Quel meilleur apprentissage qu’une session de cuisine aux côtés du chef triplement étoilé pour s’essayer à la naturalité ? Puisque Romain Meder a décidé de démocratiser son concept culinaire dans un livre paru aux éditions Ducasse, nous avons investi ses fourneaux du Plaza Athénée, à Paris. Dialogue en cuisine.

Par quoi commence-ton Chef ?
Romain Meder : Les choux de Bruxelles. Comme tous les choux, ils ont besoin d’être rôtis très fortement pour être gourmands. Mieux vaut choisir des petits choux de Bruxelles. Ils seront plus délicats en goût et en texture. Pour le tartare, je le prépare à base d’algues, mais on peut aussi l’adapter avec des sardines, des harengs ou des maquereaux. On lie le tout avec un yaourt.

Les recettes de votre livre n’ont de toute façon pas été conçues pour être figées…. C’est une boîte à outils, écrivez-vous.

En échangeant avec la maison d’édition, j’ai expliqué que cela n’avait aucun sens de réaliser un livre de recettes. Lorsque les lecteurs ne connaissent pas un ingrédient, ils tournent la page, jusqu’à finalement refermer le livre. Dans neuf cas sur dix, lorsque vous souhaitez reproduire exactement la recette d’un livre, cela ne fonctionne pas. Mieux vaut réaliser sa propre cuisine. J’aimerais qu’on se réapproprie le livre de recettes plutôt que de foncer sur Internet. Il faut que le mien devienne votre carnet de notes. Je lance des pistes. A vous de vous évader et de cuisiner des ingrédients que vous n’osez pas utiliser d’habitude.

Et lorsqu’il nous en manque un, comment procéder pour choisir le bon remplaçant ?
La nature est bien faite. Les couleurs similaires fonctionnent ensemble. Sinon, on peut chercher un produit de la même famille. Les pommes de terre, topinambours et racines vont généralement de pair.

En avez-vous déjà mise une au point sur la base d’une erreur en cuisine ?

Récemment, j’ai voulu refaire un beurre de châtaignes. En testant de brûler ces dernières avant de les mixer, je me suis finalement retrouvé avec une boule de pâte. A la friteuse, elle souffle. Sinon, on peut la cuire au four. On attend de savoir maintenant comment l’utiliser.

L’objectif est d’utiliser un produit le plus possible. Avec les épluchures de pommes de terre, vous préparez aussi un bouillon. Peut-on en réaliser avec d’autres types d’épluchures ?
A partir du moment où l’épluchure a du goût, oui. Cela ne fonctionnera pas si vous n’utilisez que des cosses de haricots par exemple. Cela marche bien avec la betterave et le topinambour. Mais faites vos propres expériences ! Si vous avez des craintes pour cuisiner un légume que vous ne connaissez pas, enfournez-le et jugez le résultat. Toutes les techniques du livre permettent de concentrer au maximum les goûts. Cependant, attention, on ne peut pas tout utiliser non plus. Les feuilles de tomates ou celles de la rhubarbe sont toxiques.

Naturellement libre - couverture 3D
Naturellement libre - couverture 3D

Comment savoir où se situe la limite ?
Comme pour les champignons, demandez conseil ou renseignez-vous sur le web. Ne jouez pas trop avec la nature si vous n’êtes pas sûrs de vous.

Dans la salade d’agrumes, vous utilisez même les peaux que vous congelez. Peut-on procéder au même tour de main avec d’autres légumes ou fruits ?
On les congèle et on réduit en poudre pour apporter une touche d’amertume en finition sur le dessert. Je préfère sécher les peaux de légumes. Passez au four les épluchures de pommes de terre et mixez-les. Mélangez cette poudre au sel avant d’assaisonner vos frites.

Et vous auriez une idée avec les restes du repas de Noël ?
Récupérez les carapaces de crevettes. Séchez-les puis mixez-les pour en faire de la poudre. Conservez-la dans une boîte hermétique au frais. Et vous pourrez la saupoudrer sur un plat de pâtes. Sinon, réalisez un bouillon avec toutes les têtes de crevettes. Plongez-les dans l’eau. Laissez-les infuser, avec un peu de gingembre, de citronnelle, de basilic, de verveine, de menthe, sans jamais porter à ébullition. Et vous obtenez un bouillon thaï à votre façon.

Passons à la recette des endives, poisson blanc. Peut-on utiliser n’importe quelle espèce ?
Oui, même une st Jacques. L’important est d’avoir un poisson tranché fin pour que la cuisson soit ultra-rapide. C’est une belle façon d’en manger quand on a peur de le cuisiner.

Auriez-vous une idée pour faire changer d’avis ceux qui détestent les endives ?
Vous les assaisonnez de sel et poivre et vous les passez dans un four très chaud. Si les feuilles autour brûlent, vous les enlevez et récupérez le cœur. Sinon, vous les coupez en deux pour les rôtir assez fortement dans une poêle chaude. Il faut qu’elles soient caramélisées mais restent crues à l’intérieur. Et vous pouvez même utiliser le jus de cuisson pour réaliser une vinaigrette.

Dans la recette du kiwi, citron jaune, vous brûlez ces derniers. Peut-on utiliser d’autres agrumes ?
De l’orange pour un côté sucré ou du pamplemousse pour apporter de l’amertume. Le citron, c’est l’acidité. N’hésitez pas à maltraiter les fruits. Ils n’auront que meilleur caractère.

Et pour les kiwis, comment recycler la peau ?
Réalisez une limonade, s’il reste encore un peu de pulpe, comme celle des betteraves.

En dressage, peut-on décorer avec une fleur comestible ?
J’aime bien le coquelicot qui donne une saveur de pavot. Sinon, je suis un amoureux de la rose fraîche. Vous l’émincez et vous disposez sur une salade de tomates. Toutes les roses sont comestibles, mais il faut qu’elles sentent bon pour être utilisées en cuisine.

Plaza Athenee - Alain Ducasse et Romain Meder (c) Pierre Monetta 2
Plaza Athenee - Alain Ducasse et Romain Meder (c) Pierre Monetta 2
Portrait Romain Meder
Portrait Romain Meder