Francis Attrazic Président de l’Association des Maîtres-Restaurateurs
A moins de dix jours de la sortie du décret sur le « fait-maison », la tension est palpable chez les restaurateurs. Devront-ils tous inscrire la mention « fait-maison » sous peine d’être sanctionné ? Quels produits feront office d’exception ? Les chaînes de restauration rapide pourront-elles également profiter de cette mention ? Pour répondre à toutes ces questions que nous nous posons, nous avons fait appel à Francis Attrazic, Président de l’Association des Maîtres-Restaurateurs et fervent défenseur de ce titre.

La loi concernant la mention « fait-maison » sera applicable à compter de la validation du décret, êtes-vous pour ou contre ?
Je suis tout à fait favorable au « fait-maison » pour la bonne et simple raison que lorsque j’étais en cuisine, je cuisinais les produits que je recevais, c’était le b.a.-ba du métier, je ne me posais pas de question. Il se trouve que maintenant le « fait-maison » est devenu un argument commercial. Jusqu’à maintenant cette notion n’était encadrée par aucun texte de loi. On se retrouvait avec tout un tas d’affichages qui reprenait cette mention sans qu’il y ait derrière une uniformité en termes d’appréciation. Résultat, nous nous sommes retrouvés avec tout et n’importe quoi sans aucune cohérence derrière. Désormais, si les critères mis en place ne seront pas respectés, on rentrera dans le cadre du délit avec des amendes et le cas échéant, de la prison.

Si l’on suit les consignes du décret, tous les restaurateurs devront mentionner en face de chacun de leur plat le titre de « fait-maison » lorsque celui-ci sera fait sur place. Cela signifie donc que du restaurant de campagne aux chefs triplement étoilés, tous devront se plier à cette loi sous peine d’être sanctionnés ?
Tous les restaurateurs seront soumis au même texte dans la mesure où ils se serviront de la mention « fait-maison ». S’ils ne l’utilisent pas, ils n’auront pas besoin de mettre d’astérisque mentionnant que leur plat est réalisé sur place. Si l’on souhaite un minimum de transparence, de clarté et de lisibilité, il faut forcément passer par un certain nombre de dispositifs, certes contraignants, mais qui formeront un gage de sérieux à la sortie. Et c’est sur ce sujet où l’on retrouve l’avantage des Maîtres-Restaurateurs qui n’auront pas besoin de mettre cet astérisque devant chacun de leur plat puisque le titre garantie déjà la mention « fait-maison ».

En quoi faire partie des Maîtres-Restaurateurs représente-il un gage de qualité pour le consommateur ?
Le titre de Maître-Restaurateur est délivré par les préfets à la suite d’un audit réalisé par une société extérieure. Il s’assure que le restaurant respecte bien le cahier des charges de l’association, c’est-à-dire que le consommateur s’adresse à un restaurant dans lequel les professionnels ont appris leur métier par l’intermédiaire d’une formation, qu’ils cuisinent sur place des produits bruts et qu’ils respectent les règles d’hygiène et d’accueil.

Il faut également rappeler que la qualité est un élément vraiment subjectif. La signification n’est pas la même entre deux individus. La qualité est liée à une appréciation très personnelle du travail. Nous, notre rôle a été de mettre en place un système normatif en disant au consommateur que les chefs Maîtres-Restaurateurs connaissaient toutes les règles fondamentales nécessaires au travail de restaurateur certifiant qu’ils ne vendent pas, sur leur carte, des plats réchauffés.

Pourquoi y-a-t-il une si grande disparité entre les établissements estampillés Maîtres-Restaurateurs ? Dans le cas de la région Bourgogne par exemple, le restaurant doublement étoilé du chef William Frachot se retrouve au même niveau que les restaurants des hôtels Kyriad ou Ibis ?
Ce sont tous des professionnels qui sont au fourneau et qui s’engagent à travailler des produits frais dans leur entreprise. Ce sont des critères qui s’appliquent quel que soit la renommée du restaurant et c’est d’ailleurs ce qui fait la force du titre. Il ne s’agit pas ici d’un titre élitiste. Un bistrot de campagne et un restaurant étoilé pourront très bien se retrouver sous la même étiquette de Maître-Restaurateur.

Quelle forme prendra le pictogramme « fait-maison » ?
Pour l’instant, il n’y a rien de défini. Il s’agira d’un pictogramme qui rappellera que la cuisine sera faite sur place. Cette mesure demandera certainement quelques ajustements logistiques de la part des restaurateurs tels qu’une réimpression des cartes, etc.

Le « fait-maison » désigne « tous plats élaborés sur place à partir de produits bruts ou de produits traditionnels de cuisine », cela n’implique donc pas un gage de qualité ?
Non, effectivement, la mention « fait-maison » n’est pas là pour juger de la qualité dans l’assiette mais pour différencier les restaurateurs qui cuisinent dans leur établissement des produits bruts de ceux qui font du réchauffage. Notons cependant que quelques produits feront office d’exception. La charcuterie, par exemple, pourra être achetée tout faite. Dans ce cas, une choucroute pourra être estampillée « fait-maison » même si elle n’aura pas été entièrement cuisinée sur place.

Si l’on suit le texte de loi, on se rend compte que la mention pourra très bien se retrouver en face des hamburgers d’une grande chaîne de fast-food car ils sont eux aussi fabriqués sur place à base de produits bruts.
Sur le principe je défends la restauration traditionnelle française donc forcément cette possibilité m’inquiète. Pour en savoir plus sur les fast-foods et le hamburger, il faudra attendre les éléments dérogatoires du décret. J’espère bien que les pouvoirs publics auront intégrer cet élément-là même si, aujourd’hui, il y a beaucoup de restaurants qui proposent eux-mêmes des burgers.

Qui vérifiera que la mention est bien appliquée ?
En terme de contrôle, il n’y a aucune brigade spécifique de prévue. En revanche, les restaurateurs ont régulièrement la visite d’agents de l’Etat tels que la DGCCRF ou les brigades d’hygiènes qui viennent contrôler le bon fonctionnement de leur établissement. Ce seront donc eux qui vérifieront l’application de cette nouvelle mention.

Ne devrait-on pas plutôt obliger les restaurateurs à posséder un diplôme d’Etat pour ouvrir un restaurant comme c’est déjà le cas pour les opticiens ou les coiffeurs ?
Le titre de Maître-Restaurateur est né du fait que l’on pas pu protéger de manière règlementaire ce métier. J’ai essayé de protéger le mot restaurant, d’imposer un diplôme pour l’exercice de notre métier, de mettre en place la notion d’artisan mais malheureusement, aucune de ces propositions n’ont été acceptées. Lors de la mise en place de la loi Hamon, ces sujets-là sont revenus à la une avec la demande de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) de créer un statut d’artisans-restaurateurs et du Synhorcat, de protéger le mot restaurant en le réservant aux professionnels qui cuisinent leur produit sur place. Ces deux initiatives ont à nouveau été recalées par l’Assemblée Nationale et le Sénat. Il faudra donc surement les retravailler pour les soumettre plus tard.

N’aurait-il pas été plus judicieux de mentionner sur les cartes « produits surgelés » ou « déjà conditionnés » ?
La seule initiative réellement marquante à ce jour est effectivement celle que vous donnez et qui a été mise en place en Italie avec la mention « produits surgelés ». Même si cette initiative rassure, elle n’a rien à voir avec la qualité. Il existe des produits surgelés de très grande qualité et des produits frais vraiment limites.

La possibilité d’augmenter les taxes sur les produits préparés a-t-elle été évoquée ?
Tout est possible mais nous sommes dans un pays où il faut faire attention de ne pas tomber dans la discrimination professionnelle et dans lequel les prix sont libres. Il y a en effet un certain nombre de personnes qui souhaitaient que deux taux de TVA se mettent en place pour ceux qui travaillent sur place et ceux qui, font office de point de vente. Mais à ce jour, rien n’a abouti non plus.

Etes-vous confiant sur la viabilité de cette nouvelle loi ?
Je ne défendrais jamais une initiative qui est susceptible de mettre en péril la survie de l’entreprise. Il n’y a pas de solution à 100 % mais aujourd’hui il y a une volonté de l’Etat de clarifier un certain nombre d’éléments. Il faut laisser le temps au temps et si ça ne fonctionne pas, nous demanderons à l’Etat de revoir sa copie.

Légende photo: plaque certifiant l’attribution du titre de Maître-Restaurateur. Restaurant La Terrasse Mirabeau (Paris XVIème), chef Pierre Négrevergne.