Jean Michel Lorain

Jean Michel Lorain

Plaisirs originels

La genèse… ou l’histoire du commencement. L’origine de tout. Savoir pourquoi et sans doute aussi comment. Jean-Michel Lorain est, comme de nombreux chefs, curieux et sensible à l’effort de transmission… Pour évoquer son travail, le chef de la Côte Saint-Jacques vous proposera certainement une balade sur son marché préféré, celui de Joigny, cette petite ville de l’Yonne où il a grandi. Et si ce n’est pas l’heure, une tomate fera bien l’affaire. C’est avec elle que tout commence… certains avanceront que c’est la pomme qui est à l’origine de tout, Jean-Michel Lorain lui préfèrera le fruit rouge et même l’huître dans une recette qu’il a baptisé « la genèse d’un plat sur le thème de l’huître »).

Le chef, trois étoiles au Michelin, est passionné par les produits du terroir. À tel point qu’il sait pratiquement tout sur les tomates et autres fruits et légumes : leurs qualités, leurs défauts aussi. Il s’est d’ailleurs amusé à les répertorier (et à les photographier) dans des bibles désormais éditées aux éditions Glénat. Le premier opus sur les légumes répertorie ainsi un millier de légumes, du potimarron aux épinards… et invite évidemment à jouer sur les quatre saisons.

Ce goût pour le partage fonctionne bien avec l’esprit de cette maison, habituée depuis ses origines à recevoir les visiteurs de passage. Il faut effectivement se remémorer les débuts de cette histoire familiale. C’est en 1945 que tout débute… Marie Lorain, « bonne cuisinière », ouvre sa petite pension de famille dans une maison bourgeoise de Joigny. Elle la baptisera la Côte Saint-Jacques, du nom de la colline adossée à l’établissement. Au bord de l’Yonne, le long de ce couloir routier, les gens du Nord peuvent ainsi s’offrir le sud, le temps d’un périple enchanteur agrémenté par de petites pauses gourmandes. Le voyage est long mais le soleil est à ce prix. L’époque est à l’étape, à la halte gourmande… une fois le congé payé, le travailleur file ainsi sur la nationale 6… les pensions de famille et autres auberges fleurissent le long de la route des vacances. « Je me rappelle des files de voitures qui s’entassaient devant chez nous », raconte Jean-Michel Lorain. L’embouteillage à Joigny… l’image le fait encore sourire. Mais l’arrivée de l’autoroute est un drame pour les auberges de la nationale. La course à l’étoile est lancée.

Il faudra désormais attirer le gourmand plutôt que de l’attendre. Un changement de philosophie inauguré par Michel, le fils de Marie, qui reprend l’affaire en 1958. Cet ancien pâtissier visionnaire voit l’avenir en grand et en gastronomique. Il rachète plusieurs maisons le long de l’Yonne, en face de la pension de famille et créée des chambres, transforme l’auberge en restaurant.

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Une maison de famille
L’avenir lui donne raison. Une première étoile décrochée en 1971 et, cinq ans plus tard, « Michelin double la mise ». Jean-Michel Lorain rejoint son père en cuisine en 1983. En 1986, père et fils associés obtiennent la plus haute distinction, trois étoiles. À 27 ans, il revient le plus jeune chef à obtenir cette distinction. À 50 ans, Jean-Michel a tout « gagné » : chef de l’année (Gault&Millau) en 1993, meilleur restaurant d’hôtel en Europe en 2007… la Côte Saint-Jacques s’est imposée comme une étape gastronomique incontournable.

Estampillée Relais et Châteaux, la Côte Saint-Jacques dispose de 32 chambres et suites, un spa de 800 m2, un jacuzzi, une piscine avec son propre restaurant « équilibré », une boutique, une école de cuisine et bien sûr le restaurant gastronomique, trois macarons Michelin. Mais si la Côte Saint-Jacques n’a plus rien à voir avec la petite pension de famille, elle reste cette entreprise familiale. « Nous sommes très attachés à cette maison », insiste le chef qui voit aujourd’hui sa fille embrasser la même carrière, pour qui sait, reprendre à son tour les commandes de la maison.

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Côté cuisine
Poularde de Bresse à la vapeur de champagne, boudin noir fait à la maison et purée mousseline à l’ancienne, noix de ris de veau au gingembre, petits oignons, rhubarbe et radis rose… Jean-Michel Lorain aime se réfugier dans le passé avec des recettes sorties des fourneaux de sa grand-mère. Ici, le passé ne rime pas avec vieux, bien au contraire. « Je cherche le juste équilibre entre le moderne et la tradition », explique le chef. « Aller vers l’essentiel, éliminer les artifices qui peuvent parasiter le produit… mes valeurs reposent sur la tradition mais cela ne signifie pas que l’on n’a pas le droit de s’évader un peu ». Créatif et très précis, il joue avec les herbes, quelques épices, pas trop, et les légumes qu’il a appris à connaître avec son livre. Le plus compliqué finalement, c’est d’arriver à faire des choses simples, dit-on, Jean-Michel Lorain va plus loin : « Je crois que la cuisine doit rester une chose simple et gourmande à partager, pas une vue de l’esprit abstraite et conceptuelle ».