La providence, l’évidence, l’alignement des planètes… Enfin tout y est ! Après 6 mois de travaux, l’Atelier des Augustins à Lyon a réouvert début novembre, pour offrir à ses hôtes un voyage culinaire et œnologique prégnant !

L’identité, l’écho d’une histoire

Cuisiner par nature, le goût primaire depuis ses murs d’époque jusqu’à l’assiette, c’est tout une philosophie culinaire viscéralement respirante, qui vit au rythme des saisons courtes, d’un terroir et ses richesses, d’idées perchées éparpillées. Totalement engagé dans sa démarche, entouré d’une brigade toujours derrière lui, entre humilité et ambition assumée, le chef Nicolas Guilloton exprime à sa table son identité plurielle, l’hospitalité bienveillante tout sourire.
Chef Nicolas Guilloton
© Matthieu Cellard

Alsacien d’origine, lyonnais de cœur, Nicolas a d’abord fait ses armes auprès d’Emile Jung au Crocodile***. Sous son aile, il apprend l’art des sauces et du bon vin, le cœur pour moteur. Un passage dans les cuisines du George V, il s’envole à l’ambassade de Londres, avant de rejoindre l’Ethiopie et le Mali, l’Afrique pour déclic. Aujourd’hui, installé dans l’ancien fief historique des Canuts du premier arrondissement, si la culture gastronomique gone le prend aux tripes, ce sont ses expériences de vie, notamment celle de chef à l’Ambassade de Bamako, qui lui permettent de révéler la quintessence d’un monde humain intense. Choc des civilisations, rudiments de l’existence, l’exotisme d’ailleurs souvent décharné, lui ouvre la voie. Offerte par l’Homme et ses vibrations intérieures, elle connecte et prend tout son sens dans son plaisir d’être et de transmettre les émotions intimes. Contrebassiste, il y rajoute une corde sensible, des notes pincées, qui conjuguent la douceur à l’âme sauvage des produits bruts.

Artiste, rêveur, fidèle aux racines, la générosité émane de son expression culinaire, une balade poétique dans des partitions vertes, rassurantes et saines. Dans un périmètre de 200 kilomètres – depuis Lyon, l’épicentre, ancienne capitale des Gaules, historiquement réputée comme la capitale de la gastronomie riche d’un patrimoine vieux de 2000 ans – le territoire s’étend des Monts d’Auvergne et du Jura aux sommets alpins, de la Bourgogne à la vallée du Rhône, ponctué d’exceptions souvenirs comme l’Afrique ou l’Alsace natale. Ainsi, il puise chez les producteurs et éleveurs, l’essentiel d’un garde-manger raisonné.  D’une part, des viandes de terroir et poissons des lacs, de l’autre, le végétal, cœur du propos cultivé dans son potager à saint-Irénée.

« Je me nourris des richesses de cette extraordinaire mosaïque des territoires qui borde Lyon. Pour signer un univers identitaire et instinctif, avec quelques clins d’œil aux cultures culinaires africaines. C’est mon histoire, ma légitimité ».

Gougère comme une gaufre d'alpage, herbes fleuries
Gougère comme une gaufre d'alpage, herbes fleuries
© Matthieu Cellard
L'Atelier des Augustins - Cèpes en robe de figuier, purée blanche aux deux ails
L'Atelier des Augustins - Cèpes en robe de figuier, purée blanche aux deux ails
© Matthieu Cellard
Agneau et carpe fumée, rognonnade, amandes sur un fil
© Matthieu Cellard

Vert de cœur

Et c’est grâce à son engagement prégnant dans la pensée Green, que le Chef décroche en septembre 2022, le Label Green Food dont voici la charte : https://www.greenfood-label.com/la-charte-green-food/. Soutenu par la Capitale des Gones et Only Lyon dans sa démarche noble, il explique combien il lui tient à cœur ainsi qu’à ses équipes, de s’engager dans cette voie très responsable : « On pense que c’est la marche à suivre aujourd’hui. On est tous marqués par nos expériences, l’éducation, l’évolution globale d’une écologie qui doit retrouver ses attributs premiers et nourriciers, un retour aux sources le plus simple et sain possible. L’environnement aujourd’hui est au cœur du poumon du monde et chacun doit pouvoir, à son petit niveau, insuffler un souffle régénérant ».
Ainsi, parce que la nature qui l’entoure lui donne aussi l’opportunité de défendre un territoire, toute une machine se met en place depuis des années. Compost, limitation des dépenses énergétiques, flux tendus, circuits ultra-courts comme la Ferme de Clavisy à Noyers, les Jardins de Vartan à Décines, utilisation des produits lessiviels écolos, tri, menu végétarien, et doggy bag si besoin, la liste est longue est pointue mais finalement pas tant… Quand on porte ses convictions, tout est bon à défendre.

Signature engagée

Essence de la pensée, envie de consommer la gastronomie lyonnaise autrement, l’Atelier des Augustins ose dans un menu surprise à l’instinct en 6 services. Convivialité, partage et pain saucé, une signature authentique, griffée au cœur. En parfaite fusion avec son chef exécutif Thomas Belval, formé au Domaine de Clairefontaine – 1 étoile Michelin – , chez Franck Putelat puis chez Bon-Bon à Bruxelles – doublement étoilés -, ils mènent une cuisine d’auteur singulière et artistique. À l’épure, les dressages révèlent un savoir-faire précis et maîtrisé, une philosophie profonde et affranchie des qu’en dira – t’on, des produits dits nobles superflus, de toute forme d’esthétisme sans fond. Dans des jeux de couleurs nature, de textures charnelles, de cuissons précises, si l’assiette s’amuse entre élégance et simplicité, elle est surtout marqueur d’une réflexion épaisse et minutieuse, une intensité gustative saisissante. Les sauces pour colonne vertébrale, le végétal pour ingrédient phare, la partition invite à l’évasion dans une dégustation plaisir au goût puissant, le réconfort d’une épice, d’une fleur ou herbe aromatique, une plénitude servie au cordeau. Canette de Bresse en deux cuissons, salade de chou rouge frais et fermenté, jus à la myrte, civet de sandre d’Isère, déclinaison de lentilles, la valse se poursuit ainsi jusqu’au dessert, où millefeuille glacé, orge malté torréfié et cazettes…pomme, fenouil, aneth et gin tonic, coque meringuée, charment une nouvelle fois les âmes. Au piano, depuis ses expériences chez Paul Bocuse** ou Georges Blanc***, le chef pâtissier Ashene Kechacha, boucle ainsi l’escapade des sens, avec gourmandise et légèreté planante, à la sucrosité ajustée.

Vins passionnés

Pour sublimer l’expérience, il suffira de se laisser porter de l’Auvergne à la Savoie, de la vallée du Rhône à la Bourgogne, la Maison toujours en quête de nouvelles cuvées aux prix tendres, et d’éthiquettes mythiques à tarif équitable, volonté ultime du chef. Ouverture qui lui vaut la visite d’amateurs de la France entière. Passionné par le vin, Nicolas a un petit faible pour la Bourgogne clairement avoué, même s’il porte le même intérêt pour chaque flacon, celui qu’il découvre, comme ceux qui l’ont marqué, la puissance du terroir au service de l’élégance racée. Avec plus de 400 références, des prix compris entre 40 et 2170 euros, la cave éclectique, poly aromatique, vient d’être récompensée dans « Tour de cartes », une sélection des 100 meilleures cartes des vins et spiritueux en France, sous la houlette du magazine Terre de Vins. Quelle logique implacable quand on connait la relation passionnelle du chef avec la vigne, garantie d’une justesse subtile et marquée.

Le renouveau dans un écrin d’histoire

Singulier, d’époque, le restaurant est plutôt typique et sobre, identitaire du vieux Lyon, chaleureux dans le bois, authentique dans la pierre, un écrin soigné et pensé au service de l’assiette. De ses souvenirs de voyages en Afrique, quelques coussins stylés, du jaune, des vibrations solaires. De ses réminiscences profondes, l’ambiance généreuse, l’espace partagé, les couverts dépareillés comme chez sa grand-mère. Mais son amour est grand, et comme sa passion, il déborde. Heureux de pouvoir s’ouvrir d’avantage, curieux de voir la suite, pour améliorer le confort de tous, de son équipe, comme des précieux gourmets, depuis janvier 2023, il entame des travaux d’agrandissement en jouxtant son restaurant au bâtiment mitoyen datant du 18ème siècle. Architecture identitaire, arches, poutres, pierre lyonnaise dorée d’origine, tout est aligné au reste, dans le respect de l’existant, les volumes en avant. Attaché à l’héritage, s’il conserve le cachet, pour le reste il s’inspire autour de lui, toujours à l’affût.
Pain perdu en textures renversées
Pain perdu en textures renversées
© Matthieu Cellard
Salle
Salle
© Matthieu Cellard