Le Bourguignon de souche manie l’art de traiter le produit dans sa plus brute expression. Dans sa cuisine, au cœur du domaine côte-d’orien du Castel de Très Girard, Olivier Perreaut cultive la nature environnante dans ce qu’elle a de plus élémentaire.

Ne cherchez pas Olivier Perreaut ; s’il n’est pas en cuisine, le chef du restaurant de l’établissement Le Castel de Très Girard, niché au coeur de Morey-Saint-Denis s’est envolé au poulailler. Il y choie ses pensionnaires, cinq poules Faverolles de la Ferme de la Ruchotte arrivées au printemps. Enfin plutôt quatre. « J’en ai perdu une l’autre jour, j’en étais malade », se désole le chef. L’anecdote pourrait prêter à sourire. Ceux qui connaissent ce chef de 39 ans, élevé en Bresse, aux commandes du restaurant de l’établissement depuis deux ans et demi, savent au contraire, ô combien elle résume la philosophie de cet amoureux de la nature et des produits locaux.

RETOUR AUX SOURCES

Le confinement, et l’arrêt brutal de l’activité pour nombre de secteurs, n’a fait que renforcer cette envie de sélection de produits rigoureusement cultivés au plus près de sa cuisine. Et bio. Olivier Perreaut connaît tous ses producteurs, installés pour la plupart dans un rayon de moins de 100 kilomètres : il noue avec certains, une affinité de longue date. Sa cuisine, insiste celui qui a travaillé il y a quelques années au Château de Saulon, n’a de précieux que le travail des producteurs qu’elle honore. Le chef y tient : « c’est nous qui mettons en lumière leur travail, et dans ces périodes plus difficiles, c’est à nous de les aider ». Sa carte traduit la même philosophie. L’œuf – des poules du jardin notamment – est servi sous une crème de comté et chapelure de truffes, accompagné d’une mouillette de pain de mie au beurre de truffe de la boulangerie La P’tite Chambertine, à Gevrey-Chambertin, après une cuisson lente au four vapeur, à 63 degrés. « C’est pour moi l’oeuf parfait car cette cuisson douce ne vient pas dénaturer le produit.» On l’aura compris, dans les assiettes, le chef revendique une cuisine simple, évolutive mais centrée sur les fondamentaux. Une sorte de retour aux sources qui n’a d’ambition que de transcrire le goût du produit dans ce qu’il a de plus authentique. Pas de code gastronomique. Formé auprès de grands noms – bourguignons – comme Benoît Vidal, Jean-Michel Lorrain ou Denis Carré – Olivier Perreaut préfère le terme de cuisine bistronomique. Ou plutôt, celui d’une cuisine au service des produits. Une ligne de conduite qu’il tient assurément de son père. « Un fi ls d’ouvrier qui cuisinait les terrines le dimanche, le hachoir au coin de la table », se souvient le Bressan. L’héritage paternel lui a donné le goût du bien-manger, du respect de la qualité du travail des éleveurs. La Ferme de la Bussière, à Flagey-lès-Auxonne, les légumes de Françoise Da Silva, à Corgengoux, près de Beaune, les volailles de Ludovic Maret à Saulon-la-Chapelle, voilà les lieux où le chef a ses habitudes. Le restaurant du Castel de Très Girard table sur du 100% Côte-d’Or. Avec quand même une petite entorse, pour les truites bio de la ferme – icaunaise mais bourguignonne – de Crisenon.

Olivier Perreaut
© Christophe Fouquin
Olivier Perreaut
Olivier Perreaut
© Christophe Fouquin
Olivier Perreaut - Le potager du Castel de Très Girard
Olivier Perreaut - Le potager du Castel de Très Girard
© Christophe Fouquin

PUR JUS

Le poisson, c’est le produit de prédilection de cet amoureux de la pêche. Demandez-le en ceviche : le chef aime le servir ainsi, avec des agrumes, pamplemousse et orange pour jouer sur l’amertume et l’acidité. « C’est très frais et on ne dénature pas le produit », confie le cuisinier. Sa déclinaison de légumes, présentée avec une eau de tomate, des oignons rouges pickles, des pousses de betteraves et une émulsion du fromage Côte-d’Or, sert cette même envie. Mariné juste ce qu’il faut dans un peu d’huile d’olive et de citron, le tartare de veau bio à la truffe de L’Or des Valois se passe lui aussi de commentaires. « Quand je fais ça, je pense être dans le vrai », acquiesce le trentenaire, dont la maxime « le goût, le goût, le goût » conditionne chacune de ses inspirations.

Même traitement originel pour le plat suivant. La truite, fumée par le chef en personne dans un bouillon de parures de fenouil, attend sagement son coulis de courgettes au basilic. Une, deux, trois pointes vertes fleurissent dans l’assiette. Le chef marque une pause. « Ça ne sert à rien de trop en mettre », balaie le cuisinier, qui préfère s’arrêter net. Ennemi du « trop de chi-chi , Olivier Perreaut avoue son penchant pour les jus réduits, « avec des parures de viande qui ont cuit toute la journée ». Une façon, dit-il, d’honorer le produit dans son plus simple appareil. Il faut goûter sa tête de veau à la sauce ravigote. « Les sauces, avoue le cuisinier, c’est le lien entre le végétal et la viande ou le poisson ». Une cuisine à l’ancienne presque, qu’il twiste volontiers avec des accompagnements tendance.

LES SAUCES, C’EST LE LIEN ENTRE LE VÉGÉTAL ET LA VIANDE OU LE POISSON
Olivier Perreaut
1908_51_CASTEL TRES GIRARD_FOUQUIN-1
1908_51_CASTEL TRES GIRARD_FOUQUIN-1
© christophe fouquin
Castel de Très Girard
Castel de Très Girard
© Christophe Fouquin

ULTRA-LOCAL

Le dernier en date : les jus, cette fois, de légumes. Son extraction de céleri-concombre-pomme verte résonne d’ailleurs même plus que local. Il suffit à Olivier Perreaut de tendre la main dans le potager de l’établissement, récemment aménagé, pour se servir. A côté du massif d’aromates, thym citron, thym serpolet, romarin ou sauge, dont l’odeur délicate parfume la terrasse extérieure, le chef et le jardinier de l’hôtel ont planté tomates, courgettes, courges qui font le régal des clients. Victime de son succès, le potager pourrait même s’agrandir plus vite que prévu. Un pas de plus vers le circuit-court et une cuisine naturelle, à laquelle le chef tient beaucoup. Ses recettes honorent aussi le territoire viticole : cerné par les grands crus, le restaurant valorise grâce aux milliers de références, que l’on peut aussi déguster au verre, le midi, avec une planche de charcuterie, le travail des vignerons de la région. C’est cette déclinaison contemporaine d’une cuisine ancrée dans le terroir – goûteuse mais pas figée – que les visiteurs se plaisent à déguster. Pour complimenter le chef en revanche, il faudra faire preuve de patience ou de perspicacité. Homme de l’ombre, Olivier Perreaut préfère jouer des coudes aux fourneaux avec sa brigade. Si vous voulez l’apercevoir, demandez plutôt une table en cuisine, pour une expérience inédite. A l’heure du déjeuner, certains se sont laissé surprendre par l’organisation millimétrée de l’équipe. Le dimanche, Olivier Perreaut se met parfois derrière le brasero, à l’heure du brunch pour griller quelques morceaux de viande, ou surveille la cuisson du porcelet rôti à la broche dans la cheminée de la maison. Les terrines, ballotines de volaille aux abricots secs sont aussi de la fête pendant ce rituel dominical. On pourrait presque percevoir dans cette proposition, un clin d’œil à la propre histoire familiale du chef. Comme un devoir de mémoire, pour se rappeler l’importance de savoir d’où l’on vient. Et où on veut aller. Car Olivier Perreaut n’en n’a pas fini avec les produits locaux. Après 22 ans de métier, il cherche à tracer plus loin encore, le sillon du circuit-court. En cuisine, il recycle ses huiles, distribue les parures bio aux poules de la maison, agrémente le compost… Prochain défi, la cuisson en vessie, un plat typiquement bressan qui lui trotte dans la tête depuis quelque temps. Histoire de s’ancrer s’il en était besoin, encore un peu plus dans son territoire.

La cuisine d'Olivier Perreaut
© Christophe Fouquin
Castel de Très Girard
Castel de Très Girard
© Christophe Fouquin
Castel de Très Girard
Castel de Très Girard
© Christophe Fouquin
Castel de Très Girard
Castel de Très Girard
© Christophe Fouquin
Castel de Très Girard
Castel de Très Girard
© Christophe Fouquin

AMBIANCE COSY AU COEUR DES GRANDS CRUS

Cerné par les vignes aux noms mondialement reconnus, le Castel de Très Girard accueille ses hôtes au cœur du village bourguignon de Morey-Saint-Denis. A l’intérieur de cet hôtel de charme de la gamme Les Collectionneurs doté de huit chambres, l’esprit des lieux invite à la décontraction. Chaises en velours, mur de pierres, parquet et teintes poudrées, luminaires en laiton confèrent à cette maison de maître du dix-huitième siècle, une ambiance douce et apaisante. Joy Grimal, directrice artistique-designer, a pensé l’ensemble de la décoration des lieux. Elle souhaitait réchauffer les différents espaces où l’on peut profiter à sa guise, tantôt du potager, planté au printemps et qui a les faveurs des familles, tantôt du fumoir à cigares – joli entre-deux entre l’intérieur et l’extérieur – ou de la terrasse avec vue sur les parcelles de Grands crus tout proches. Près de la piscine, une terrasse dédiée accueille aussi le brasero, vedette des brunchs dominicaux. A l’intérieur, l’imposante cheminée installée dans la seconde salle de réception attire les visiteurs en quête de réconfort, à la saison froide. C’est ici que Joy Grimal y a peint un loup, majestueux, en écho au blason du village de Morey-Saint-Denis. Entièrement rénové il y a dix-huit mois, après un incendie qui avait ravagé l’établissement, le Castel de Très Girard propose une cuisine bistronomique en lien avec l’univers du vin. Ses propriétaires, les frères Lionnel et Didier Petitcolas, également gérants d’une société de négoce et passionnés par le vin, proposent plus de 1 500 références à la carte. On peut y savourer les plus beaux domaines viticoles voisins. Les habitués peuvent même apporter leurs propres bouteilles et les stocker dans d’élégants casiers en bois réfrigérés, dessinés par Joy Grimal, avant de les partager avec leurs invités dans le restaurant, ouvert sept jours sur sept.