Depuis le rachat du Chabichou par le groupe lyonnais Lavorel
Hotels en 2018, l’établissement a fait le choix stratégique de n’ouvrir que de décembre à début avril. « Un hiver en trois saisons », selon Stéphane Buron, Meilleur Ouvrier de France (2004) et chef du Chabichou : « on commence avec la truffe blanche, puis arrive la melanosporum et on termine avec les morilles et les toutes premières asperges vertes de Provence », explique le chef. C’est aux côtés de Michel Rochedy, acquéreur inspiré du Chabichou en 1963, un modeste chalet de neuf chambres devenu au fil des années un complexe de 41 suites et appartements et un spa Shiseido, que Stéphane Buron a fait ses armes dans les cuisines du Chabichou dès 1987, jusqu’à en devenir le chef exécutif en 2000. « J’ai travaillé avec Michel Rochedy pendant 32 ans. J’ai beaucoup appris. Aujourd’hui, c’est ma cuisine, mon univers ». Au Chabichou, Stéphane Buron mêle avec art la mémoire de la Maison à sa vision de la cuisine, offrant à l’établissement, prisé par la clientèle internationale, de conserver les étoiles Michelin acquises en 1979 et 1984. « Je le trouve magnifique quand il est éclairé, la nuit, avec la neige, c’est juste extraordinaire, blanc sur blanc. Monsieur Rochedy plaisantait en disant que son fourneau noir en était « le grain de beauté ».
Une signature culinaire empruntée à la nature et à l’histoire
Depuis bientôt trois ans, Stéphane Buron a mis en place son « nouvel univers », un accord fusionnel entre les mets et les éléments de vaisselle spécifiques qui les accueille. Des menus en cinq, sept ou neuf plats, définis à la saison, dont des plats « signature » revisités chaque année. En préambule au repas, luxe et volupté d’une boisson detox et d’un oshibori, rituel japonais de la petite serviette chaude et humide. Suivent les amuses bouches délicatement perchés dans un bonzaï stylisé qu’accompagne un apéritif maison au Champagne, liqueur de myrte, café et sapinette. Subtil. La langoustine agrume et aloe vera est servie en tartare et en carpaccio mariné au corail de langoustine, pamplemousse et shio koji, condiment traditionnel japonais, dans une fleur d’aloe vera en céramique émaillée. « La langoustine, sa délicatesse, son parfum extraordinaire, elle demande tant de précision. » Si 80% de sa carte est « issue de l’eau », le chef affectionne aussi les viandes.
Le respect du produit et de l’humain
Pour obtenir les conditions d’exercice optimales de ses équipes, plus de trente personnes au plus fort de la saison dont 60% de collaborateurs fidèles, le chef Buron s’investit dans la préparation de sa brigade : recettes documentées, briefings quotidiens, rappel de l’histoire de la Maison, vie en groupe dans des chalets dédiés. Et c’est « au regard » qu’il conduit sa troupe. Jamais d’humiliation. Il s’est promis de faire le contraire de ce qu’il a vécu. « Ils sont la continuité de mes mains », assure le chef, au même titre qu’Antonin, son jeune fils, son double.
La transmission, cœur du métier
Trente-cinq recettes pour la saison, parmi lesquelles on retrouve immanquablement l’artichaut de Mamie Odette, la Saint-Jacques au maïs et à la truffe et le champignon. Des plats « marqueurs » souvent « terminés en salle ». Plat transmission par excellence, le bar au caviar, servi au guéridon, Antonin Buron, en petit-fils spirituel de Michel Rochedy, s’en empare dans un séduisant story-telling qu’affectionne la clientèle. Sa « peau de caviar » façon Rochedy a cédé la place à une sauce caviar qui n’a rien à envier à la recette d’antan. « Quand il y a une histoire, on la raconte : l’artichaut de ma Mamie Odette qui me gâtait, ce saumon en Bellevue, probable déclencheur de mon métier, le boudin blanc truffé des colis de mon grand-père, les champignons que Monsieur Rochedy aimait aller cueillir sur le chemin des écureuils avec un sac à pain, …. » L’héritage Rochedy, l’enfance et les voyages du chef Buron comme autant d’inspirations ou de techniques rapportées du Japon, notamment.
© Jonathan Thévenet
© Jonathan Thévenet
L’harmonie des saveurs
La puissance aromatique de la Saint-Jacques en deux services que souligne un Chignin-Bergeron Summertime de Ludovic Archer 2022 n’a d’égale que la suavité du bar. Laqué d’un jus de viande, le ris de veau cerclé d’une purée de petits pois est d’une onctuosité parfaite, souligné par un étonnant Château Neuf du Pape 2018, Les Vieilles Roussanne, Château de Vaudieu de chez Bréchet. « On est vraiment proche de ce que j’ai envie de faire. J’arrive à 60 ans et je donnerais tout pour aller jusqu’au bout. Faire plaisir et se faire plaisir : c’est ça qui m’anime. » Sous la houlette du chef pâtissier Olivier Ponticelli, le dessert du moment, dressé comme une sculpture, assure la continuité de la cuisine du chef Buron. Sur une marmelade de pamplemousse, une petite coque de meringue accueille un crémeux sakura, chocolat blanc et granola miel croustillant que titille une salade de pamplemousse, citron vert, émulsion au lait, segment de pamplemousse confi t à la sève de bouleau et crème glacée au lait. Beau et puissant. En alternative, la forêt noire cassis betterave et ses tuiles de chocolat en forme de sapins ou le dessert à la châtaigne.
Une balade en forêt, une promenade en montagne ou un voyage dans l’univers du chef, la table du Chabichou continue d’écrire son histoire, portée par la passion et le talent de Stéphane Buron.