L’enfant des îles
Pour mieux comprendre l’histoire de ce surdoué des fourneaux, il faut se rendre à plusieurs milliers de kilomètres, direction la mer des caraïbes et le vaste archipel des Antilles. Originaire de l’île de la Martinique, Louis-Philippe grandit entouré de ses cinq frères et sœurs et de ses nombreux oncles et tantes. Très tôt la cuisine va jouer un rôle de lien social, « il n’y avait pas un week-end où nous n’étions pas réunis pour faire la fête autour de grands repas conviviaux. Bien plus qu’un besoin vital, la cuisine est une véritable part de notre patrimoine familial.» Si sa mère, commerçante, a toujours pris le temps de cuisiner pour ses enfants, le jeune garçon a rapidement mis la main à la pâte, « mon père étant décédé très tôt, nous avons beaucoup veillé les uns sur les autres ». Le reste du temps, le jeune garçon le partage entre les terrains de basket et les livres de cuisine. Habile et sportif, il gravit les échelons et exercera pendant plusieurs années sa passion au niveau professionnel. Puis, rapidement, son second grand amour prendra le dessus : « Depuis tout jeune, je m’intéressais beaucoup aux recettes de gâteaux et de tartes que je m’amusais ensuite à reproduire, mais le véritable déclic s’est produit lors du visionnage d’un reportage sur deux grands chefs français, Régis Marcon et Michel Bras. Ensemble, ils avaient réalisé une recette d’œuf aux lentilles. Interpellé, j’ai voulu en savoir plus sur cette association ». A travers cette anecdote, Louis-Philippe découvre pour la première fois la cuisine de métropole. De-là, il décidera alors d’intégrer l’école hôtelière de l’île qui le mènera quelques mois plus tard à près de 7 000 kilomètres de sa Martinique natale.
« BIEN PLUS QU’UN BESOIN VITAL, LA CUISINE EST UNE VÉRITABLE PART DE NOTRE PATRIMOINE FAMILIAL ».
Terre d’adoption
Terrasses ensoleillées, sable chaud, mer étincelante,… Louis-Philippe Vigilant découvre le charme de nos côtes méditerranéennes. Montpellier deviendra alors sa terre d’adoption durant cinq ans. Là-bas, il découvrira la rigueur et la discipline mais aura également la chance d’apprendre auprès de bons professeurs, « ce sont eux qui m’ont transmis leur passion. Grâce à leurs conseils et leurs enseignements, j’ai pu évoluer dans l’univers que je souhaitais, celui de la gastronomie ». Très vite les stages se succèdent : du Jardin des Sens* (Les Frères Pourcel) au Château de la Pomarède* – du chef Gérald Garcia – en passant par les cuisines du chef Yves Thuriès, le jeune apprenti rentre dans le cercle très fermé des étoilés Michelin. Diplôme en poche, il se voit courtiser par les plus grandes maisons : le Louis XV*** à Monaco, le Jules Verne* au second étage de la Tour Eiffel et le Relais Bernard Loiseau*** à Saulieu lui ouvrent leurs portes. Ce qui fera la différence ne sera pas leur prestige mais simplement leur capacité à intégrer un nouvel équipier. « J’avais demandé à chacun des trois établissements s’il était possible d’être logé pour démarrer. Le seul à m’avoir répondu positivement a été le Relais Bernard Loiseau. Mon choix était fait. » Valise, couteaux et livres de cuisine sous le bras, Louis-Philippe saute dans le bus, direction Saulieu.
En cuisine, Louis-Philippe Vigilant veille à chaque petits détails. Avant l’envoi en salle, les plats sont dressés avec minutie et précision pour le plus grand plaisir de nos yeux et de nos papilles. Au premier étage, à côté de l’effervescence des cuisines, Lucile Darosey compose au gré de ses envies les gourmandises sucrées servies au restaurant.
Le temps des premières fois
Lancé dans l’arène, le jeune garçon taille la première pierre d’une longue carrière. Au côté de Patrick Bertron, chef du Relais Bernard Loiseau***, il apprendra la puissance du goût et la justesse des assaisonnements. « Lorsque nous devions réaliser des sauces, Patrick Bertron avait ce don de toujours ajouter la bonne dose d’épices. A l’arrivée, c’était le jour et la nuit. Il a réussi à nous transmettre son palais » Ces deux années passées en terre bourguignonne seront aussi l’occasion de faire de belles rencontres, parmi lesquelles, la talentueuse Lucile Darosey. Lui en cuisine, elle en pâtisserie, ils ne se quitteront plus. S’en suivra pour tous les deux un passage dans la brigade de l’Ousteau de Baumanière** aux Baux-de-Provence, ponctué l’hiver par une escale au Strato** à Courchevel. Une formule 2 en 1 marquée par la découverte de deux styles de cuisine, deux lieux et deux clientèles bien différentes. Envie de retrouver l’esprit du nord, Lucile et Louis-Philippe se préparent à rejoindre Reims mais coup de théâtre, « au même moment, madame Loiseau nous appelle pour nous informer qu’elle
ouvrait un nouvel établissement sur Dijon et qu’elle était à la recherche d’un chef pâtissier et cuisinier. » Le couple ne réfléchira pas longtemps avant de prendre sa décision. Recontacté quelques jours plus tard par le chef du Relais Bernard Loiseau, ils n’auront que quelques heures pour prendre leur décision, « nous étions en train de prendre l’apéro lorsque Patrick Bertron a appelé. Je lui ai alors demandé combien de temps avions-nous pour réfléchir. Il m’a répondu après l’apéritif. » Le chef du Relais obtiendra deux « oui », ravis à leur tour de pouvoir transmettre ce qu’ils ont appris à Saulieu.
« MON STYLE DE CUISINE NE CORRESPOND PAS A MES ORIGINES »
Une cuisine qui a du goût
Si la patte Bernard Loiseau est toujours belle et bien présente à travers la réalisation de certains classiques tels que le sandre au vin rouge, les jambonnettes de grenouilles ou la tarte fine aux pommes, Louis-Philippe a carte blanche pour réaliser la cuisine de ses envies, celle qui saura surprendre. « Qu’il s’agisse d’un accord, d’une cuisson ou d’un produit, je veux susciter l’étonnement. » Dans l’assiette, couleurs et saveurs se conjuguent avec harmonie, les poissons sont soyeux et les viandes cuites à point. Langoustines rôties, sucs de crustacés, bisque mousseuse au Combava ; ris de veau et homard Breton comme un vol au vent, bisque de homard au poivre Tchuli et légumes printaniers ; rouget en croûte de pomme de terre, gâteau de poivron confit, sphère de basilic et poutarde râpée figurent parmi les plat stars de cette nouvelle maison avec toujours, un petit accent du sud en guise de signature.
L’étoile, son plus beau trophée
Décidément pour Louis-Philippe Vigilant, rien ne se passe comme les autres. Seulement sept mois après la prise en main de son premier poste de chef, le trentenaire décroche sa première étoile. Une surprise de taille pas si surprenante pour le jeune homme, « tout au long de notre parcours, nous avons été formés dans des restaurants étoilés. Nous n’avons jamais rien connu d’autres. Notre objectif n’était pas de courir derrière l’étoile absolument. On peut dire que les choses se sont faites naturellement. » Fier de cette reconnaissance, Louis-Philippe Vigilant la considère comme la récompense la plus importante de sa carrière. « Je fais partie des rares chefs de couleur à avoir décroché une étoile dans ce fameux guide ». Peu commune, cette situation suscite parfois quelques réactions cocasses, « lorsque je viens voir les clients en salle et que je leur dit que je suis le chef, il sont souvent surpris lorsqu’ils ne sont pas allés jeter un coup d’œil sur notre site Internet. Mon style de cuisine ne correspond pas à mes origines. » Soucieux de reproduire la cuisine que lui ont transmis ses pairs, le chef de Loiseau des Ducs compte bien continuer à voler à la conquête de nouvelles étoiles.
CHEF SI VOUS ÉTIEZ…
Une chanson : Jacques Brel, le Port d’Amsterdam. Ça part en douceur puis ça monte en intensité.
Un objet : Une clé
Un loisir : Le basket
Une saveur : L’acide, « j’aime bien mettre un peu d’acidité dans mes plats. »
Un plat : Un ris de veau à la purée truffée de Bernard Loiseau
Un ingrédient : Une langoustine. C’est très gouteux à l’intérieur, rugueux et un peu piquant à l’extérieur.
Un tableau : le coq réalisé par Bernard Buffet chez Marc Haeberlin à l’Auberge de l’Ill (Alsace)
Un grand rêve : Tester tous les restaurants 3 étoiles en une année.
© Arnaud Dauphin
© Arnaud Dauphin
L’établissement
Tandis que les tables ont troqué leurs nappes blanches pour un bois noir brut de décoffrage, les sièges sont quant à eux recouverts d’un tissu imprimé façon XVIème siècle – il dispose de tous les charmes des hôtels particuliers de la cité dijonnaise. Orné de voûtes et de pierres apparentes, le restaurant de 35 couverts promet un cadre à la fois traditionnel et moderne. Signature des établissements Loiseau, le restaurant met à disposition une dizaine de vins au verre grâce à la fameuse Oenothèque. Des grands vins de Bourgogne – région oblige – à certaines appellations chiliennes, grecques ou encore sud-africaines, les convives sont invités à la découverte sous la houlette du sommelier Rémi Thivin. Enfin, depuis peu le salon Auxois-Morvan – doté d’une magnifique fresque reproduisant l’arrivée à Saulieu, avec en point de mire, la basilique de Saint-Andoche – accueille familles, collègues et amis pour des repas décontractés ou professionnels
A FAIRE, À VOIR, À BOIRE ET À MANGER… LES BONS PLANS DE LOUIS-PHILIPPE VIGILANT
A VOIR | A MANGER | A GRIGNOTER | A BOIRE |
> Véritable patrimoine de la Bourgogne, la route des grands crus est sans doute l’un des spots à ne pas manquer. De la Côte de Nuits à la côte de Beaune, les plants de vigne se succèdent à perte de vue. Autre visite, celle du musée des Beaux-Arts de Dijon rénové en septembre dernier. Enfin, si vous prenez la route en direction du Jura voisin, n’hésitez pas à marquer l’arrêt dans les villages de charme qui bordent cette route. |
> A 40 minutes à peine de Dijon, aux portes du Jura, le Château du Mont Joly, magnifique bâtisse du XVIIème siècle vous accueille dans un cadre bourgeois pour déguster la cuisine du chef Romuald Fassenet. Autre ambiance mais toute aussi dépaysante, l’Hostellerie de Levernois, une maison reposante située en plein cœur des vignes de la côte de Beaune. Sur Dijon, So Restaurant est une adresse à recommander. C’est une très bonne maison, créative etsurprenante. |
> Situé sur la place François Rude, j’aime me rendre au restaurant O’Bareuzai pour prendre un bon chocolat chaud ou un thé à l’heure du tea time. | > Dr Wine, le bar à vin des tennismen Arnaud Clément et Michaël Llodra est l’une des caves les plus fournies de la cité dijonnaise. Avec plus de 150 appellations, le choix est au rendez-vous. En revanche, si les bars à vin sont nombreux à Dijon, la ville manque cruellement d’un bon bar à cocktail. |