Comment avez-vous vécu cette période de confinement ?
J’étais le 16 mars au Salon du Cacao de Sao Paulo comme invité d’honneur, j’ai dû rentrer plus tôt pour pouvoir fermer mes boutiques. Au début, comme beaucoup de gens j’imagine, j’ai été plus dans l’étonnement que dans la peur du virus. J’ai surtout eu l’impression qu’on me donnait cette obligation d’affoler mon entourage et mon équipe, en tant que chef d’entreprise. J’ai pensé d’abord à mes produits et à mes collaborateurs avant de penser à ma peau.
Pâques est une période cruciale pour les chocolatiers. Comment votre production a-t-elle été impactée ?
Effectivement la décision du confinement est tombée en pleine production de Pâques. Nous avions déjà produit 50% du volume total habituel pour une telle période. Nous n’avions pas encore livré les magasins, les vitrines n’étaient pas encore faites… J’étais affolé de me dire que nous avions fabriqué tout cela pour rien, que nous allions perdre les ventes de Pâques, que nous n’aurions plus de clients. Dans tous les premiers jours, nous ne savions pas ce qu’allait être l’avenir. On a vidé les boutiques, les frigos, on a rangé le laboratoire et arrêté la production comme si on partait en vacances. J’avais 300 moules à chocolat remplis de chocolat : qu’allions-nous en faire ?
Comment vous êtes-vous organisé pour continuer à proposer vos produits à vos clients ?
J’avais laissé les produits dans une seule boutique, celle de la rue du Bac (7e arrondissement de Paris) Au bout de 15 jours, j’ai décidé de tenir la boutique, juste moi, de 10h à 14h en me calant sur les commerçants du quartier et les clients ont fini par venir.
Nous avons proposé également un choix de chocolats de Pâques en livraison sur Paris (et sur Chelles avec le Click&Collect), nous nous sommes mis sur plusieurs plateformes (parmi laquelle Epicery) qui propose de livrer des produits ; ainsi nous avons pu avoir de 0 à 100 commandes par jour et jusqu’à 200 en pleine période de Pâques.
La fidélité des clients, malgré le confinement, montre leur attachement au chocolat en toutes circonstances ?
Oui, ce sont dans les moments compliqués que les confiseries se vendent le mieux finalement. Cela date des années 50, de la sortie de guerre, où les gens, après des moments difficiles ont ce besoin de retrouver des moments de douceur, pour soi et pour les autres. C’est un plaisir lié à l’enfance et c’est d’ailleurs ce que le logo de la Maison Chapon représente.
Quel type de clients avez-vous vu ?
Beaucoup de parents qui voulaient offrir des chocolats à leurs parents, des grands-parents à leurs petits-enfants et des personnes qui voulaient remercier le personnel médical – une dame m’a demandé de lui vendre la plus grande poule en chocolat que j’avais pour remercier un soignant. J’ai moi-même donné 300kg de chocolat à l’Hôpital de Montfermeil et la Clinique Broue sur Chantereine. Nous avions moins de choix pour Pâques que les autres années mais finalement les gens s’en sont contentés. Ils ont particulièrement aimé les bonbons de chocolat mais plus encore les tablettes !
Qu’avez-vous prévu pour la nouvelle collection d’Automne-Hiver 2020 ?
Nous proposerons bien sûr un nouveau catalogue dans lequel nous avons remis au goût du jour des emballages déjà utilisés pour d’autres créations. Car qui peut prévoir ce que sera le commerce au mois d’octobre – novembre ? Sortir une collection pendant le COVID-19, au sortir des grèves que nous avons connues, des manifestations des gilets jaunes, tous ces événements impactent beaucoup les commerces.
Ce ne sont pas les idées qui manquent mais la situation sociale, sanitaire n’est pas au beau fixe pour continuer à créer, à sortir des collections chocolatées d’intersaison.
Quoiqu’il en soit le chocolat restera, j’en suis sûr, important pour les gens parce qu’en ces temps difficiles et précaires pour tout le monde, les fêtes familiales, les grands moments seront fêtés plus intensément.
Quelles tablettes de chocolat pouvez-vous conseiller comme dégustation pré-estivale ?
La tablette de chocolat Madagascar au sucre naturel de bouleau. Réalisé avec le sucre de bouleau Natsuc. Une alternative au sucre saccharose! Notes fraîches et végétale. | La tablette Haïti qui sent le soleil. Très puissant en cacao avec des notes de figues, cerises et noisettes grillées. | La tablette Lait Fevory. Poudre de grué. Un mélange de chocolat au lait et chocolat noir donnant l’impression de commencer par du lait et de finir par du noir. |
Vos nouveautés (presque) confidentielles ?
Une mousse au chocolat Vegan ! Très mousseuse, sans matière animale, pas de blanc d’œuf, pas de lait. Avec du lait d’amande et du sirop d’agave. Il y a une vraie demande de la part des consommateurs et amateurs de chocolats de produits allégés et naturels. Cette mousse sera disponible à partir du mois de septembre.
Et pour finir, Patrice Chapon, quel est votre chocolat préféré ?
J’en ai plusieurs bien sûr ! Je dirai la tablette Venezuela Porcelana. Je n’ai réussi à acheter que 200kg au Venezuela parce que le planteur a vu sa plantation détruite par le gouvernement, propriétaire des terres. Il a été « puni » pour avoir vendu ses fèves de cacao en direct, c’est-à-dire sans le gouvernement. Sur la tonne produite j’ai récupéré 200kg que j’ai rapatriés en affrétant un petit avion. Ces fèves ont donné un chocolat exceptionnel, d’une longueur en bouche incroyable et je ne sais pas si je pourrais un jour en avoir d’autres. J’ai tout vendu en boutiques mais je garde précieusement les 9 tablettes qu’il me reste.
Patrice Chapon, Maison Chapon
ITV recueillie par Caroline Pastorelli pour le Club des Croqueurs de Chocolat