Yann Zwysig : retour à la source

Il a éclos à la fin du printemps, l’an dernier, porté par une envie de renouveau. A Saint-Seine-l’Abbaye, en lieu et place de l’ancien Relais de la Poste, le Relais de la Source souffle un vent de fraîcheur au cœur de la Bourgogne, à 25 minutes au nord de Dijon. Et si Ahlame Buisard sa propriétaire, n’est pas une inconnue dans le paysage de la gastronomie régionale (lire par ailleurs), elle inscrit l’hôtel-restaurant, rouvert il y a à peine un an, dans une toute nouvelle dimension. Elle a voulu associer à cette ancienne abbaye chargée d’histoire, une cuisine gourmande, « parce-qu’on est à la campagne », l’élégance de la haute gastronomie. Et si le résultat s’observe évidemment en balayant les lieux et les nouvelles propositions hôtelières qui y sont nées, c’est aussi dans l’assiette qu’il se découvre et s’apprécie. Arrivé pour la réouverture, le chef Yann Zwysig, 33 ans, insuffle un air de légèreté à une tradition gastronomique qu’il a appris à apprivoiser. Celui qui a « choisi le projet, et non la région », oriente désormais la carte de l’établissement vers une cuisine à la fois esthétique et pleine de goût. « On vient savourer ici la tradition bourguignonne, il fallait retrouver les goûts qui la caractérise », estime le chef. Originaire de région parisienne, Yann Zwysig a d’abord dû s’immerger dans la gastronomie régionale qu’il ne connaissait pas, découvrir l’identité du terroir très local avec lequel il travaille, avant d’apporter sa touche à lui.

LA CUISINE COMME UNE BOUCLE
Esthétiques, modernes, élégantes, les assiettes du cuisinier traduisent ce « coup de jeune », que l’établissement souhaitait apporter, dans une apparente simplicité – en réalité maîtrisée à la perfection. La ballotine de sandre nacré, à la carte ce printemps, est servie dans un ruban de poireaux de Pellerey en Nori, cultivés par la maraîchère bio Marie-Elizabeth de Faultrier, et aromatisée de combawa et de beurre blanc au verjus concocté avec le safran produit Monsieur Julien Duthu à Saint-Seine-l’Abbaye. Pour utiliser les produits dans leur entièreté, cet audacieux mélange se compose aussi des racines de poireaux, frites et posées sur un espuma de vert de poireaux.

Cette sensibilité au « zéro perte », Yann Zwysig la tient de l’un de ses maîtres d’apprentissage : Frédéric Anton, dont il loue sans vergogne« l’intelligence de la cuisine ». « Sa carte est une boucle tant ce qu’il a utilisé en entrée lui sert aussi pour le plat, c’est bluffant »,admet le chef. Un art, une philosophie de penser la haute gastronomie, dans laquelle le cuisinier se challenge depuis son arrivée au Relais de la Source. Devant ses fourneaux, les carottes fanes sont frites, alors que les tiges prennent l’apparence d’un jus. Tout ce qui ne peut être exploité repart à la terre, dans un composteur qui ne demande plus qu’à être alimenté. Le potager, en préparation lui aussi à côté du restaurant, en dit long sur l’ambition que nourrit le chef dans son rapport à la nature, au terroir et plus globalement à l’écosystème qui l’entoure. C’est que l’établissement vise l’excellence : l’équipe ne cache pas son envie d’aller décrocher une étoile Michelin. Yann Zwysig est un habitué de la haute gastronomie. Son parcours à l’international, en Ecosse, au Mexique, en Espagne ou dans les Caraïbes, avant une dernière escale, plus longue, en Corse, pendant huit mois, sans oublier à Paris auprès de Frédéric Anton lui a permis de développer une cuisine exigeante structurée et colorée, sans perdre de vue l’authenticité, l’un de ses fondamentaux.

PIMPER SANS DÉNATURER
Au Relais de la Source, le chef « pimpe » sans dénaturer la tradition française, avec
justesse mais aussi avec une liberté dans le processus de création qui lui permet d’ajuster la variable selon les arrivages des producteurs locaux avec qui l’hôtel-restaurant collabore. Et d’exprimer son art sans détour. Les carottes de la maraîchère ont été mangées par les ragondins ? Qu’à cela ne tienne, Yann Zwysig et son second composeront avec les rutabagas présents ce jour-là et les fleurs séchées de Marianne Mahe, cueilleuse dans le tout proche village de Lantenay. Ils adaptent le menu selon la saisonnalité des produits mais aussi selon l’envie. « Le point de départ c’est toujours la cuisine française dans laquelle je mets beaucoup d’amour », exprime celui qui ne jure que par le beurre et la crème qu’il peps volontiers avec une pointe d’acidité, d’agrumes et d’exotisme rapportés de ses voyages.

Souvent, l’inspiration fleurit et puise sessaveurs en équipe, au gré d’une rencontre ou d’une anecdote partagée. « Ici c’est un brainstorming permanent à trois, avec notrecheffe pâtissière », poursuit Yann. CannelleLefebvre fait partie intégrante de l’aventure elle aussi. Au Relais de la Source, la cheffe est cette cerise sur le gâteau qui vient parfaire la découverte gustative d’un territoire. A la carte des desserts, des sorbets d’herbes et de fruits très impactants, à l’image de celui à base de mangue et de coriandre qui laisse des traces en fin de bouche. Son Ananas Victoria décline dans un voile de fraîcheur, un confit au curcuma, un crémeux coco-vanille, un
sorbet ananas gingembre. Quant au dessert baptisé Miel de notre région, espuma de fromage blanc de la ferme, pollen, confit de citron et glace au miel de châtaignier, c’est toute la Bourgogne qui défi le dans le palais… Une ode graphique aux produits du territoire, un dressage tout en rondeur, en écho à l’univers visuel et tout aussi poétique de son chef. Les assiettes de Yann Zwysig, subtiles et inventives, transcrivent cette invitation au partage, cet esprit de famille et de gourmandise dans une poésie sphérique et épurée. Au Relais de la Source, l’œuf meurette est servi certes, avec une garniture bourguignonne et une sauce au vin, mais rehaussé d’un espuma oignon, de poudre et de gel persil. Le paleron de bœuf braisé prend des allures de gâteau miroir avec ses pickles de carottes blanches et agrumes. Quant aux escargots, on irait même jusqu’à dire qu’ils ont (enfin) trouvé leur noble place, parés dans une coquille croustillante et servis dans un velouté d’ail truffé. Les codes de la Bourgogne sont là, ceux d’une nature authentique et vivifiante aussi : il n’y a plus qu’à croquer, pour s’imprégner de l’univers du chef et savourer le moment.

Le restaurant nommé  Table distinguée
Moins de six mois après son ouverture, le restaurant du Relais de la Source a été nommé Table distinguée par le groupe Logis Hôtels. Cette sélection met à l’honneur les restaurants et leurs chefs qui subliment les produits de leur région. Elle est aussi un gage de vivre une expérience gastronomique unique.

PLUS QU’UNE ADRESSE, UNE DESTINATION
Un hôtel-restaurant à taille humaine, riche en histoire et en gastronomie. Si l’établissement a changé de nom à l’arrivée de la nouvelle propriétaire l’an dernier, Le Relais de la Source fait partie, et de longue date, du patrimoine de Saint-Seine-l’Abbaye. Ahlame Buisard, ancienne dirigeante du groupe Loiseau, a conservé le cachet de l’endroit pour en faire un lieu unique, confortable et élégant, en harmonie avec l’esprit des lieux. Construit au XIIèsiècle, cette ancienne dépendance ayant servie aux moines de l’époque deviendra un hôtel vers 1870, qui a depuis conservé les codes et le charme bourguignons. Des murs et matériaux nobles, de la pierre de Bourgogne, du chêne, Ahlame Buisard y a ajouté sa touche pour rendre le tout confortable, élégant et cosy. Dans la salle principale du restaurant, le nouveau parquet en bois massif apporte chaleur et densité à l’espace. Juste à côté, un espace accueille désormais dans un espace cocooning et des tons pastel, les convives pour l’apéritif avant le repas. Le salon Bony, baptisé ainsi en hommage aux anciens propriétaires a également été décoré avec soin et respect. Aux murs, des articles de presse rappellent les grandes heures de la famille qui a tenu l’établissement pendant cinq générations. Ahlame Buisard tenait à conserver l’esprit de cette maison « familiale, chaleureuse, attachante ». « J’ai eu un coup de cœur pour cet endroit dès ma première visite, raconte la propriétaire. C’est un lieu riche en histoire et en gastronomie, l’idée était d’en faire un établissement à taille humaine, qui continue de s’inscrire dans la vie de SaintSeine-l’Abbaye. » Moins d’un an après sa réouverture, l’établissement qui emploie 16 collaborateurs, compte bien devenir une véritable « destination pour laquelle les clients prendraient plaisir à s’arrêter et à prendre le temps », souhaite la maîtresse de maison.