Si la cuisine de Vincent Chirat devait se traduire en vin, elle prendrait à coup sûr le nom de grand cru. A Chorey-lès-Beaune, le chef de l’Ermitage de Corton conjugue l’expression du terroir à l’esprit des lieux. Générosité et sens de l’accueil honorent avec une très grande justesse la star de l’assiette : le goût.

Il est des vins prestigieux, jalousement gardés, qui prennent en Bourgogne le nom élogieux de Grand Cru. L’Ermitage de Corton, hôtel de charme niché au pied des vignes beaunoises entre la colline d’Aloxe Corton et le village de Chorey-lès-Beaune, a semble-t-il trouvé le sien. Enraciné dans le terroir local, Vincent Chirat, le chef du restaurant cultive avec une certaine spontanéité, le sens du mot accueil. Ici la cuisine simple qu’il assume, est à prendre au sens le plus noble du terme.

Vincent Chirat en cuisine
Vincent Chirat en cuisine
© Christophe Fouquin

Une cuisine de goût

Par cuisine simple, il faut comprendre une cuisine de goût à la gloire du produit. Une assiette comme à la maison, travaillée avec humilité, sans fausse modestie. Vincent Chirat n’est pas de ceux qui cherchent un coup de projecteur. Ce n’est d’ailleurs pas l’esprit de cet Ermitage niché en pleine campagne viticole. Ses recettes expriment davantage l’envie de bien recevoir et de faire plaisir avec authenticité. « Ici on n’est pas dans un hôtel-restaurant commente le chef, mais dans une maison où l’on vient passer un bon moment. » Les poissons – le péché mignon du chef – travaillés dans la saisonnalité révèlent leurs arômes grâce une sauce justement dosée. Le homard, grillé à la moutarde et servi avec ses pinces en mousseline surprend presque autant que le saumon confit dont la croûte en chapelure de betterave émoustille. Le beurre blanc qui l’enrobe généreusement, et dont on apprécie la note acidulée, force au silence. Telle une dégustation de vin, la cuisine de Vincent Chirat révèle les parfums d’un ici qui ne triche pas. Face aux vignes, les assiettes égrainent des associations saisissantes que l’on se plaît à chercher. La courge spaghetti, par exemple, se sert en salade froide acide ; le citron vert conjugué au goût anisé de l’atsina picote la langue autant que la curiosité. En fond de bouche, les graines de cumin prolongent la sensation de fraîcheur de cette entrée automnale. Même surprise avec le dessert aux agrumes. La puissance du sorbet kalamansi s’atténue dans la douceur sucrée et gourmande de la meringue chantilly. Les fruits de l’été indien apportent la légèreté que l’on attend de ce dessert gourmand que l’on voudrait prolonger à l’envie. A côté des quartiers de figues, les mirabelles cueillies pas le chef dans son propre jardin donnent à cette fin de déjeuner un air de repas de famille.

Son produit préféré
Le poisson, en particulier le cabillaud, pour son goût fondant qui fonctionne bien avec une croûte de moutarde et coriandre.
Des produits frais et de saison
Des produits frais et de saison
© Christophe Fouquin
Vincent Chirat en cuisine
Vincent Chirat en cuisine
© Christophe Fouquin

13 ans à la tête du restaurant

A la tête du restaurant depuis 13 ans – ce qui n’est pas si courant dans la profession –
Vincent Chirat cuisine comme il le ferait pour des amis. « Quand je suis arrivé, tout était à refaire. Il fallait reconquérir une clientèle et faire revivre cet endroit, c’était un sacré challenge ». Le chef a dû aussi composer avec l’héritage d’André Parra, l’ancien propriétaire qui éleva dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix le restaurant au meilleur niveau de la gastronomie française. Lyonnais d’origine, arrivé par hasard dans la cuisine, passé chez des locaux comme la Rôtisserie du Chambertin ou le Cèdre à Beaune, Vincent Chirat s’est, reconnait t-il, un peu formé sur le tas. « Je n’ai pas fait beaucoup de grandes maisons mais je me suis souvent remis en question sur les associations, les assaisonnements. La cuisine que je propose est une cuisine précise qui met le produit en avant mais elle est d’abord celle que j’aime manger, sans trop d’épices ou d’artifices. » Vincent Chirat cherche avant tout à faire ressortir les arômes du produit, du terroir, de préférence. En treize ans, sa cuisine a évolué. Elle est plus précise et s’est enrichie d’une maturité bien légitime. Son menu du marché est une ode aux richesses locales, à cette cuisine de tradition qu’il réveille à sa façon. Le Pigeon de Didier Bernard, plat emblématique du restaurant, est cuit et présenté en salle dans sa croûte de sel. Servie avec sa farce au foie gras sur une planche de bois dans une mise en scène volontairement épurée, cette recette libère des arômes qui s’exaltent grâce à un jus de pigeon onctueux, à la stucture presque brute. « Dans cette recette, apprécie le chef, le produit est au centre de l’assiette. On a un pigeon qui a un goût de pigeon et c’est l’essentiel ». Ici et là, quelques aromates sauvages rafraîchissent le palais et ancre cette cuisine hommage, ce patrimoine local, dans la modernité. Dans le jargon viticole, on dirait de ce plat qu’il a une belle robe. Savamment dosées, les crackers, tempura et autres cromesquis proposés en accompagnement servent un but : colorer, tel un bouquet, le produit. Le tout est évidemment sublimé par l’une des quelques 700 références de vins de la cave, recommandée en salle par le sommelier.

Ici on n’est pas dans un restaurant mais dans une maison où l’on vient passer un bon moment.
Vincent Chirat
La salle de restaurant de l'Ermitage de Corton
La salle de restaurant de l'Ermitage de Corton
© Christophe Fouquin
La salle de restaurant de l'Ermitage de Corton
La salle de restaurant de l'Ermitage de Corton
© Christophe Fouquin
La terrasse de l'Ermitage de Corton
La terrasse de l'Ermitage de Corton
© Christophe Fouquin
Pigeon en croûte de sel
Pigeon en croûte de sel
© Christophe Fouquin
Rosace de truffe de Bourgogne et céleri rave, pied de porc au jus
Rosace de truffe de Bourgogne et céleri rave, pied de porc au jus
© Christophe Fouquin

Décontraction et minutie

Dans un joli jeu d’équilibre, le chef s’amuse avec les textures. Derrière les fourneaux, le geste est précis, l’œil attentif aux détails. Mais l’on se plaît à écouter ce père, de trois enfants, de 42 ans, parler de son pain quotidien avec une étonnante décontraction. Sa brigade, jeune, cosmopolite – nationalités argentine et américaine cohabitent – apprécie, entre deux blagues, le côté « très humain » et la « cuisine généreuse », préparée avec beaucoup de minutie, de son mentor. En observant d’un peu plus près le travail du chef, sa rigueur, son dressage précis, on se plaît à détecter les capacités d’un artisan du goût qui pourrait aller plus loin encore. Vincent Chirat préfère revendiquer avec humilité le goût des choses simples, une cuisine qui lui ressemble, authentique, en totale résonance avec les lieux et en accord parfait avec le terroir tout proche. Les caractéristiques d’un grand millésime.

Clémence et Nicolas Chambon, les propriétaires de L'ermitage de Corton
Clémence et Nicolas Chambon, les propriétaires de L'ermitage de Corton
© Christophe Fouquin
L'ermitage de Corton
L'ermitage de Corton
© Christophe Fouquin

L’Ermitage de Corton comme à la maison

L’emplacement ravit les amoureux de nature comme les amateurs de vin. Cerné par les vignes, à deux pas de Beaune, l’Ermitage de Corton accueille ses clients comme dans une maison de famille. Le sourire de cet écrin au charme authentique, avec vue sur les plus grands crus de la région, c’est Clémence. Elle et son mari Nicolas Chambon ont racheté il y a 10 ans un établissement construit dans le pur style bourguignon au début des années soixante. La maîtresse des lieux tient la réception, au premier plan d’un majestueux escalier à la rampe en fer forgé. Le couple a redonné à l’Ermitage de Corton la dimension originelle d’un lieu portant un tel nom. En conservant la substantifique moelle – plafonds à corniche, moulures, murs en bois, pierres d’époque habillent les espaces de réception – les propriétaires ont su moderniser l’endroit. Le restaurant, aux murs noirs et mats, au mobilier tendance, tranche avec la salle du bar, plus feutrée. Les teintes chaudes des 13 chambres, très spacieuses, combinent avec goût mobilier rustique, décoration chinée et papiers peints contemporains, en écho à la région et à son patrimoine viticole. Dans ces espaces cosys, aux fenêtres traversantes, avec vue sur la colline d’Aloxe Corton ou le vignoble de Pernand Vergelesses tout proche, on se sent vite comme chez soi. Certaines chambres accueillent en duplex jusqu’à cinq personnes, « ce qui est plutôt rare par ici », souligne Nicolas Chambon. Les propriétaires – qui possèdent également depuis le début de l’année l’hôtel-restaurant Kyriad By Georgette de Nuits-Saint-Georges – voulaient faire des lieux une adresse accueillante à taille humaine. L’établissement était à l’époque en perte de vitesse. L’Ermitage de Corton avait connu des heures glorieuses – la famille Parra, propriétaire entre 1980 et 2000 avait fait des lieux un hôtel de luxe dont le restaurant gastronomique a longtemps détenu une étoile Michelin. Nicolas Chambon perçoit vite le potentiel de ce lieu de renom situé au cœur de la place tournante du commerce des vins mondiaux. Séduit par la cuisine de Vincent Chirat arrivé trois ans plus tôt, le couple rénove les espaces pour reconquérir la clientèle locale et séduire les touristes étrangers. Pari réussi. Dans le jardin arrière, dont la vigne vierge fleurit l’accès des deux plus grandes chambres, Cacao et Bounty, les deux petites chèvres de la fille des propriétaires, paissent en toute sérénité, non loin de la piscine et des jeux d’enfants. Chez Clémence et Nicolas – pardon à l’Ermitage de Corton – on se sent bien, comme dans une maison de famille. Le sens de l’hospitalité d’un personnel à l‘écoute, multi tâches aussi, a redoré le blason de cet hôtel de charme identifié sous la marque Les Collectionneurs dans lequel les viticulteurs et grands domaines voisins ont de nouveau leurs habitudes.