Certains pourraient voir en lui la cerise sur le gâteau d’un établissement en pleine éclosion. Ce serait peu connaître la philosophie des propriétaires du Château de Courban, déterminés à faire grandir l’un des lieux désormais emblématiques du Châtillonnais. Takashi Kinoshita apporte sa pierre à l’édifice grâce à une cuisine équilibrée, précise, couronnée d’une étoile au Guide Michelin et qui n’a rien à envier aux grands.

Découvert au Japon bien après ses plus populaires saveurs cousines le salé, le sucré l’acide et l’amer, l’Umani traduit ce goût inexplicable que l’on apparente au délicieux. Une sorte de cinquième élément qui viendrait former un tout, déclenchant dans nos palais cette sensation enveloppante et réconfortante. Il semble que le Château de Courban ait trouvé son Umani à lui. Il s’appelle Takashi Kinoshita, il est chef cuisinier et il bouleverse depuis 2015 le microcosme de cet établissement perdu au milieu du Pays Châtillonnais, au nord de la Côte-d’Or, dans un petit village de 150 âmes. Touristes étrangers sur la route des vacances, amoureux d’un week-end ou clientèle locale, ceux qui s’aventurent dans ce lieu au charme fou, ont désormais un prétexte supplémentaire pour s’y attarder, et sans doute aussi pour y revenir : la cuisine gastronomique d’un chef qui gagne à être connu. Avec Takashi Kinoshita, Frédéric Vandendriessche ajoute une touche supplémentaire de délicatesse à cette maison de caractère.

Takashi Kinoshita
Takashi Kinoshita
© Christophe Fouquin
Langoustines de Bretagne En raviole ouverte pak choï, enryngii, carotte blanche Zéphyr de safran de Côte-d'Or
Langoustines de Bretagne En raviole ouverte pak choï, enryngii, carotte blanche Zéphyr de safran de Côte-d'Or
© Takashi Kinoshita

Cuisine de tradition française

Et Takashi Kinoshita le lui rend bien. En trois ans, le chef a su transcrire l’élégance des lieux dans une cuisine raffinée, précise et pleine de sens, apportant une véritable signature culinaire à l’établissement. Pas une cuisine japonaise comme son nom pourrait nous le faire croire, non. Mais un style bien à lui, juste équilibre, entre l’excellence de la tradition française et la technique rigoureuse de ses origines nippones. Dans les assiettes comme en bouche, les saveurs ont tous les marqueurs de la cuisine classique, locale aussi, chère à nos palais et à celui de ce chef aux 26 ans d’expérience : la Poularde de Bresse, nappée à la bière bio de Vézelay et assortie de fines lamelles de truffe fraîche, fond sous la langue. La peau à la texture délicate craque, comme un écho au croustillant de la pomme de terre soufflée et de l’épinard frit. Mais les sensations sont décuplées par les subtiles combinaisons du chef, à base de légumes vapeur cuits sans matière grasse, de friture et de marinade. Ici, les cuisses de la volaille sont servies en yakitori dans une seconde assiette, twistée d’une vinaigrette à l’acidité qui rafraîchit le fond de bouche. La brouillade d’œufs, chorizo de Charolais s’aspire comme un nuage de lait, l’émulsion mizuna enveloppe le tataki de crevettes dans un océan de douceur. Puis vient le moment de la raviole de langoustine, qui interpelle par sa légèreté, sa transparence. En guise de couvre-chef, et avant que le crustacé ne s’abandonne dans un tourbillon langoureux de Zéphir de safran de Côte-d’Or, du shizo rouge, quelques fleurs de Primabella, des jeunes pousses de petits pois et des mini câpres liliput… Un tableau printanier à lui seul composé par Takashi Kinoshita grâce à la cueillette de son épouse Satomi. « Ce n’est jamais le même plat en fonction de ce qu’elle trouve et me ramène », apprécie Takashi.

Aujourd’hui, on connaît mon nom là où hier encore, j’étais le chef japonais de Courban.
Takashi Kinoshita
Takashi Kinoshita
Takashi Kinoshita
© Christophe Fouquin

Comme à la maison

Ici, la cuisine, c’est une histoire de famille. Takashi Kinoshita vit à Courban avec sa femme, Satomi, cuisinière de métier elle aussi, et leurs cinq enfants. Elu meilleur élève de l’année en 1999 par l’école culinaire Oda Gakuen, au Japon, Takashi Kinoshita fait ses premières armes chez Minoru Adachi Restaurant Bizen à Tokyo avec très tôt, l’envie de partir découvrir la cuisine française. Il arrive dans l’hexagone avec Satomi en 2002 et choisit Dijon et le restaurant le Pré aux Clercs pour travailler aux côtés du chef Jean-Pierre Billoux (2 étoiles). L’un de ses mentors, avec Robert Bardot, Meilleur Ouvrier de France (2 étoiles) auprès de qui il affinera sa technique de la cuisine française dans son restaurant Le Moulin à Huile, à Vaison-la-Romaine, après un passage, excusez du peu, par les fourneaux de l’Élysée. Passionné par la Bourgogne, Takashi Kinoshita rejoint le Château de Courban en 2015 et installe les siens dans le logement communal au-dessus de la mairie. Il y a entre lui et ce village, ce château aussi, comme une histoire de famille. Satomi y cultive le potager familial de poireaux japonais et de piments doux, de nigauri – ces courgettes amères du Japon – de carottes d’Okinawa et de potimarrons japonais. Initialement réservé aux assiettes familiales, la récolte de madame a instinctivement trouvé sa place dans les recettes de son mari comme dans les assiettes du restaurant. S’il se défend de proposer une cuisine d’improvisation, le chef compose volontiers avec les éléments de son environnement proche et des saisons pour créer des associations subtiles et pleines de contrastes. Cultivant son appartenance à cette double nationalité culinaire qui l’a forgé, Takashi Kinoshita s’attache à sublimer des produits locaux dans la plus pure tradition française « et qui se marient bien avec le château », glisse le chef. Comprenez avec délicatesse, élégance, style. Le tout ponctué de quelques notes franco-belges, chères aux racines des propriétaires.

Château de Courban
© Christophe Fouquin
La salle de restaurant du Château de Courban
La salle de restaurant du Château de Courban
© Takashi Kinoshita

L’émotion de l’étoile

Alors cette première étoile Michelin conquise l’an dernier, plébiscitée par les habitués, sonne plutôt très juste. Takashi Kinoshita se souviendra longtemps de cette journée de février où il a reçu la nouvelle par téléphone, de la bouche du directeur du Guide Michelin … et en Japonais s’il vous plait. « On a tous pleuré quand on l’a appris », raconte Mylène, l’épouse de Fréderic Vandendriessche, la propriétaire des lieux, la voix encore enraillée par l’émotion. « Je n’imaginais pas un jour être étoilé, savoure Takashi Kinoshita, encore plus impressionné peut-être par les quelques 300 lettres d’anonymes et de chefs qui ont suivi. « Cette étoile, au-delà d’être une récompense, ouvre d’autres portes : aujourd’hui, on connaît mon nom là où hier encore, j’étais le chef japonais de Courban. » Fidèle à ses racines et bien trop modeste pour aimer briller sous le feu des projecteurs, Takashi reconnait volontiers avoir été encore plus ému de pouvoir faire plaisir à son chef, là-bas, à Tokyo. Ce que ça change dans sa cuisine ? « La possibilité de travailler des produits encore plus variés qu’avant », apprécie l’homme, entouré de sa brigade et de sa chef pâtissière Sae Hasegawa. Et la pression ? « Dans ce métier, avec ou sans l’étoile, la pression, c’est tous les jours ; après il faut savoir la doser. » La réussite de Takashi Kinoshita pourrait-elle lui donner des envies d’ailleurs ? Réponse de l’intéressé : « Ici, au Château de Courban, je fais de la cuisine comme je ferais à la maison. Je m’exprime en combinant les produits du terroir aux techniques de mes origines. Je suis content de montrer ce que je peux faire et surtout, cela me semble si naturel. Un peu comme si ma place était ici. »

Ici, au Château de Courban, je fais de la cuisine comme je ferais à la maison. Je m’exprime en combinant les produits du terroir aux techniques de mes origines. Je suis content de montrer ce que je peux faire et surtout, cela me semble si naturel. Un peu comme si ma place était ici.
Takashi Kinoshita
Le spa Nuxe du Château de Courban
Le spa Nuxe du Château de Courban
© Christophe Fouquin
Le spa Nuxe du Château de Courban
Le spa Nuxe du Château de Courban
© Christophe Fouquin
Le Château de Courban
Le Château de Courban
© Christophe Fouquin
Le Château de Courban
Le Château de Courban
© Christophe Fouquin

Le château de Courban comme dans ses chaussons

Une maison bourguignonne de caractère nichée au milieu des prairies, un pigeonnier somptueux du XVIe siècle, une architecture noble, un mobilier de style campagne chic agencé avec soin : le Château de Courban constitue une très belle adresse de charme dans le nord de la Côte-d’Or. Pourtant en 1998, rien ne prédestinait cette belle endormie du XIXème siècle à devenir un hôtel quatre étoiles et spa, classé grande table par le groupe Alain Ducasse. La famille Vandendriessche l’achète à l’époque pour en faire sa maison familiale. Le père, décorateur à Lille, décide de la rénover avant que des chasseurs à la recherche d’un gîte ne changent sa destinée en 2001. Le propriétaire ouvre d’abord les chambres familiales pendant la saison de chasse avant d’envisager les choses en grand face à la demande : création d’un étage, d’une salle de restaurant, la maison basée sur le site de l’ancien château du village devient Le Château de Courban. Vingt-quatre chambres meublées avec goût habillent cet écrin d’un hectare dans le plus pur style bourguignon. Murs couleur lie de vin, parquet sombre « qui craque », peau de bête sur les lits, toile de Jouy aux murs, la décoration chinée ajoute à l’ambiance charme de cet endroit, conçu comme une maison. Le salon-cheminée et la bibliothèque offrent une vue paisible à l’heure du thé ou de l’apéritif, face au premier bassin de nage. Un peu plus loin, une dépendance sur l’une des terrasses en palier qui bordent la piscine accueille l’une des chambres signature de 70 m2. Rejoint par ses fils Jérôme en 2006 puis Frédéric en 2009, Pierre Vandendriessche construit une salle de réception qui deviendra le restaurant, dans le but de faire monter l’hôtel en gamme, puis un spa, en 2005, une prestation encore rare à l’époque. Rénové en 2013, le pigeonnier constitue la touche romantique d’un lieu qui ne cesse de se transformer pour mieux accueillir sa clientèle en quête d’authenticité et d’évasion. D’ici cet été, trois chambres supplémentaires seront créées dans une dépendance ainsi qu’une quatrième de 100 m2, tandis que les autres, rénovées, agrandies, invitent déjà à la rêverie.

Le pigeonnier du Château de Courban
Le pigeonnier du Château de Courban
© Christophe Fouquin
Le pigeonnier du Château de Courban
Le pigeonnier du Château de Courban
© Christophe Fouquin

Roucouler dans le pigeonnier

C’est la chambre la plus réservée de l’hôtel et on comprend aisément pourquoi : imaginez-vous passer une nuit dans un pigeonnier du XVI ème siècle qui a gardé tout son charme d’antan, le confort moderne en plus. Au rez-de-chaussée, deux baignoires sur pied en tête-à-tête annoncent la promesse d’un moment romantique à souhait tandis que l’étage offre dans un cocon intimiste la promesse d’une nuit de rêve. L’espace aux rondeurs réconfortantes a gardé toute son authenticité avec des niches de pierre, une charpente apparente circulaire et des poutres en bois. Un nid douillet que vous ne voudrez pas quitter.