La réputation de la table du Montrachet dépasse de très loin les frontières de la région. L’établissement fait partie de ces adresses bourguignonnes séculaires qui ont servi, au fil du temps, de restaurant, de bar, de bistrot de campagne ou encore d'ancienne auberge de campagne aux habitants du coin mais aussi aux voyageurs de tous horizons. Lieu d’accueil et de passage, Le Montrachet s’est forgé petit à petit une solide réputation auprès des gastronomes d’ici et d’ailleurs.

Niché au cœur du village de Puligny-Montrachet où le vin est religion, l’établissement gastronomique profite incontestablement d’un terroir incomparable. Pour autant, le vin ne fait pas tout. Deux fois étoilé au cours des 40 dernières années, le restaurant a su soigner sa carte avec quelques grands classiques pour lesquels la clientèle a eu l’habitude de venir et revenir sans jamais se lasser. Lorsque les précédents propriétaires, présents depuis 34 ans, décident de passer la main, l’établissement fait l’objet de convoitises et pas des moindres. C’est ainsi que l’ensemble est racheté par la holding OLMA qui perçoit tout le potentiel de l’hôtel-restaurant avec pour objectif d’opérer une mutation d’envergure. Pour mener à bien son projet, OLMA a décidé de collaborer avec un grand groupe hôtelier.

Hôtel Restaurant Le Montarchet à Puligny-Montrachet
Hôtel Restaurant Le Montarchet à Puligny-Montrachet
© Christophe Fouquin

En route vers l’excellence

Le groupe qui opérera devrait permettre à l’établissement de développer l’aspect haut de gamme à tous les niveaux, du côté de l’hôtellerie comme de la restauration. OLMA et le groupe hôtelier penseront ensemble un projet global qui transformera le futur « Le Montrachet » en profondeur. Les 28 chambres dont 11 suites réparties entre trois bâtiments : le principal (qui abrite également le restaurant), « La Résidence » située juste à côté et « La Villa Christine » installée en face, devraient faire l’objet de rénovations, encore à l’étude. Le restaurant, moteur essentiel de l’établissement depuis des années, est naturellement intégré au projet d’excellence avec le souhait d’opérer une montée en gamme supplémentaire qui pourrait être récompensée à l’avenir par le Guide Michelin.

« La Résidence », hôtel attenant au Montrachet
© Christophe Fouquin

L’expérience du haut de gamme

Romain Versino est arrivé aux commandes des cuisines du Montrachet en 2018, avant le rachat. Ardéchois d’origine, il ne sait pas pourquoi la cuisine l’attirait comme un aimant depuis son plus jeune âge : « Je n’ai pas de parents ou de grands-parents cuisiniers qui m’ont donné le plaisir de la cuisine. Je n’ai pas eu d’initiation, c’est plutôt l’instinct qui m’a guidé vers ce métier ». Son diplôme en poche, il découvre le terrain et les coulisses. Romain Versino fait ses classes dans sa région natale auprès d’un chef qui lui donne la passion du métier en lui faisant découvrir toutes les subtilités du monde de la cuisine, le travail acharné et le rythme décalé. Une révélation qui fait naître en lui une véritable passion.

Toujours guidé par l’instinct et le plaisir, il se tourne vers les reliefs ensoleillés du sud de la France. C’est ainsi qu’il se dirige très rapidement vers le Cap d’Antibes où il intègre les équipes de l’étoilé Eden-Roc. Un établissement très prestigieux, une caractéristique qu’il apprécie particulièrement pour le goût de l’excellence et comme il aime à le dire : « des belles et bonnes choses ». Une expérience qui dure 5 saisons et qui lui permet de travailler auprès du chef Olivier Gaiatto. Celui-ci lui apprend à comprendre les techniques, les justesses des saveurs et des associations pour donner à un sens à une cuisine qui se doit d’être perpétuellement en mouvement.

À partir de ce moment-là, Romain Versino ne quitte plus les palaces, du Mas Candille à Mougins au Château Saint-Martin à Vence en passant par le K2 Palace et l’Apogée, tous deux à Courchevel. Désormais sous-chef, il souhaite accéder à plus de responsabilités et endosser le costume de chef. Amoureux du sud de la France, c’est finalement l’opportunité bourguignonne qui le séduit. Le Montrachet cherchant à lancer une nouvelle dynamique suite à l’étoile perdue en 2017, il est à la recherche d’un chef capable d’apporter un renouveau à la carte. C’est ainsi qu’il se présente et obtient les commandes des pianos.

En cuisine, Romain Versino travaille en synergie avec son second, Raphaël Adam
En cuisine, Romain Versino travaille en synergie avec son second, Raphaël Adam
© Christophe Fouquin
Bar de ligne en raviole ouverte
Bar de ligne en raviole ouverte
© Christophe Fouquin
Romain Versino aux commandes des cuisines du Montrachet
Romain Versino aux commandes des cuisines du Montrachet
© Christophe Fouquin

Un souffle nouveau

« Signer une carte, c’est une pression supplémentaire » reconnait le chef, mais c’est un choix et une envie qu’il assume sans sourciller. Dès son arrivée, il hérite d’une belle base déjà mise en place par ses prédécesseurs et y apporte rapidement sa patte. L’un des grands classiques qui a participé au succès de la carte du Montrachet est la spécialité d’escargots en coquille. C’est un incontournable de terroir pour lequel les clients ont une affection particulière. Le chef n’hésite pas à le revisiter sous une forme nouvelle et plus moderne, il accompagne les escargots d’un croustillant herbacé et d’un beurre émulsionné au vin de Puligny.

Dans le même temps, il travaille à la création d’un plat signature et c’est tout naturellement qu’il se tourne vers le foie gras, un produit qu’il aime travailler et déguster. Il s’essaie à plusieurs associations jusqu’à faire naître le pigeon en croûte de céréales accompagné de foie gras et d’une garniture qui évolue en fonction des saisons. Deux spécialités du Montrachet qui ne quittent jamais la carte, pour le plus grand plaisir des gourmets. Du reste, il fait évoluer la carte au fil des saisons avec une proposition volontairement courte qui permet de conserver la même exigence et la même qualité des produits. Ainsi, les menus sont une continuité de la carte et reprennent les mêmes compositions. Un ensemble très cohérent qui met la saisonnalité au cœur de la cuisine.

Du goût et des couleurs

Romain Versino dirige sa cuisine avec une grande liberté. S’il officie en Bourgogne, ce n’est pas pour autant qu’il s’oblige à concocter une cuisine de terroir ou à revisiter les classiques régionaux. Formé à une cuisine issue de l’héritage Escoffier, il crée une carte qui répond à un processus qui lui est propre : imaginer des plats qui font à la fois appel à ses connaissances techniques et aux saveurs qu’il aime.

« Ducasse disait qu’il avait une papillothèque, je pense que je fonctionne comme cela car j’ai en mémoire les goûts »

 

C’est avec la mémoire et l’instinct qu’il rassemble des saveurs et trouve la formule qui marche. Pour apporter du relief, il joue sur les textures, la mâche mais aussi les couleurs : « J’essaie d’apporter de la joie dans mes plats » ajoute-t-il. Et cela se voit, notamment lorsqu’il revisite la tomate et ses différentes variétés qu’il décline dans l’assiette, en poudre, en glaçon, concassée, marinée… Les différentes teintes se mêlent harmonieusement aux textures pour un rendu à la fois délicieux et facétieux. Afin d’apporter de la cohérence à l’assiette, le chef élabore les sauces avec soin à base de jus classiques qu’il relève de façon surprenante comme il le fait avec ce jus aux épices saté au léger goût de cacahuète, qui accompagne le ris de veau rôti actuellement à la carte.

Il a d’ailleurs pour projet de créer un potager au pied du restaurant pour cultiver lui-même ses aromates. Au moment de statuer sur une carte définitive, le chef a pris l’habitude de prendre ses assiettes en photo pour les garder en mémoire et se laisser le temps de prendre du recul sur ses plats. Puis, vient le temps de la concertation durant laquelle l’ensemble de la cuisine et de la direction est impliqué et chacun apporte sa pierre à l’édifice.

Aux beaux jours, l’hôtel ouvre sa belle terrasse sur le jardin pour le bar, les déjeuners et dîners.

La terrasse de l'hôtel du Montrachet
La terrasse de l'hôtel du Montrachet
© Christophe Fouquin

Mélange de générations

En cuisine, Romain Versino travaille en synergie avec son second, Raphaël Adam, qui connaît les lieux comme sa poche. Arrivé au Montrachet en 1998, le sous-chef ne l’a pas toujours été. Il a gravi les échelons, a connu les étoiles mais aussi la tristesse de les perdre. Présent dans les bons comme dans les mauvais moments, il capitalise des connaissances et une expertise primordiales au sein de la maison. Impliqué par le chef dans toutes les étapes, il l’épaule tant au niveau de la création qu’au niveau de la réalisation.

Un duo complété par Adrien Lacombe, le jeune chef pâtissier arrivé en 2016, qui a carte blanche pour composer à sa guise. Ses desserts sont élaborés avec les récoltes des producteurs locaux qu’il déniche sur internet. Il se laisse volontiers inspirer par les tendances, les couleurs de saison et les créations qu’il découvre sur les réseaux. Un pâtissier 3.0 qui a le goût des compositions moins sucrées, épurées et contemporaines et qui aime apporter une pointe de fraîcheur tout au long de l’année en intégrant systématiquement un soupçon de sorbet ou de glace à ses assiettes.

Une brigade complétée par deux sommeliers dont la cave dispose de plus de 1000 références de vins, en grande partie bourguignonnes. Une équipe multigénérationnelle qui se complète à la perfection pour faire perdurer la réputation de la table du Montrachet. Et ce pour le plus grand plaisir des gourmets avant tout, car si Romain Versino s’est donné l’objectif d’être étoilé : « L’étoile, c’est un but à atteindre mais pas une fin en soi. Il ne faut pas oublier que la base c’est la satisfaction des clients. Mais si ça finit par arriver, ce serait merveilleux pour nous tous ».

Le Montrachet
Le Montrachet
© Christophe fouquin