Le jeune étoilé revendique son côté sans étiquette au cœur d’une région qu’il ne quitterait pour rien au monde. Dans sa cuisine, l’amour du produit au service du goût, l’inventivité d’une génération qui ne se met pas de limite et une furieuse envie d’aller encore plus loin. Maxime Kowalczyk, saison 1.
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© Christophe Fouquin

Il aurait pu s’appeler tout autrement mais un jeu de mains en a décidé ainsi. Et il faut reconnaître que le hasard fait bien les choses. À Buxy, petit bourg viticole de la côte chalonnaise au coeur de la Bourgogne, le nom du restaurant l’Empreinte, niché dans les remparts médiévaux, colle à la peau de son jeune propriétaire. Non seulement, Maxime Kowalczyk, 28 ans, tient les commandes avec sa compagne Tiffany Gastal, 24 ans, d’un établissement qui fait partie de l’histoire de la ville. Mais il n’a pas fallu deux ans au jeune chef pour qu’il imprime sa patte dans une autre histoire, celle de la cuisine française. Le guide Michelin, qui vient de lui attribuer une première étoile en début d’année, ne fait que conforter, s’il en était besoin, le talent de ce mordu de cuisine.

BOULOT-DODO

Alors oui, Maxime Kowalczyk, a baigné dans certaines des plus belles cuisines régionales – il a fait son apprentissage dans la prestigieuse maison trois étoiles, Lameloise aux côtés d’Eric Pras, a travaillé aux Cariatides à Dijon, à la Cueillette de Meursault – et assez légitimement, il en rêvait de cette première étoile. Pas pour en faire un business ou gonfler son ego. Son credo à lui, c’est plutôt boulot-dodo. Levé aux aurores, il gère depuis deux ans un restaurant gastronomique capable de servir 60 couverts par jour. Avec en cuisine, un apprenti … et un chef de partie, Joris, arrivé en même temps que l’étoile. Il faut dire que les jours qui ont suivi l’annonce du guide Michelin ont été un peu fous pour l’équipe. «On a reçu 152 demandes de réservations le lendemain, le journal local voulait nous voir, France 3, TF1 aussi (le chef est le plus jeune propriétaire distingué cette année, NDLR). Les quinze premiers jours, on a bossé non-stop de 6 heures à 1 heure du matin. On a fait 50 couverts par jour alors qu’on devrait en faire quatre fois moins à cette saison», s’étonne le propriétaire.

Lieu jaune, poireaux brûlés,herbes sauvages
Lieu jaune, poireaux brûlés,herbes sauvages
© Christophe Fouquin
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© Christophe Fouquin

LE PRODUIT STAR DE L’ASSIETTE

Dans la cuisine dotée d’une impressionnante hotte aux dimensions médiévales, règne une apparente décontraction. Ses fournisseurs de viandes et fromages, en visite ce jour-là, tentent bien une approche en mode distraction, mais ne nous y trompons pas : Maxime Kowalczyk est tout à son art. Concentré sur les préparations qui, il l’espère, toucheront la vingtaine de clients présents ce jour-là. « Il faut, dit-il, qu’ils comprennent tout de suite ce qu’ils ont dans l’assiette, qu’ils aiment bien sûr et surtout qu’ils reviennent», sourit le chef. Et si Maxime Kowalczyk s’amuse à créer des plats en trompe-l’œil, c’est le produit qu’il veut mettre en avant. La viande notamment, l’un de ses produits de prédilection.

 

« On choisit les fournisseurs avec soin, ils sont à 80% locaux»

 

, détaille le Bourguignon pure souche. La Ferme de Clavisy, dans l’Yonne, fait partie de ceux avec qui le Côte-d’Orien travaille depuis des années. Ce jour-là dans l’assiette, le filet de bœuf force le respect. Servi sur un lit de betteraves en pickles, rôti sur le sapin, il est découpé en salle face à un auditoire presque enivré. La viande, traitée dans sa plus simple expression, fond sous le palais tandis que le fumé de sapin envahit les narines. En bouche, le parfum légèrement herbé de la viande laisse songeur. Maxime Kowalczyk esquisse un sourire: il a gagné son pari, celui de placer le produit au centre de l’assiette. Même réaction quand approchent les Saint-Jacques piquées à la truffe, spaghettis et caviar de céleri. Les pointes noires dans l’assiette creuse attisent déjà les papilles quand un nuage de châtaigne grillée déposé à l’instant, vient caresser le tout. Devant la rondeur des saveurs, même les esprits les plus taquins se sont tus. Les spaghettis de céleri, croquants, l’intensité forestière de la truffe mêlée à la nacre des Saint-Jacques coupent le souffle. On se surprend à faire durer le plaisir, égrainant un à un ces filaments de céleri translucides. Et on pousse la gourmandise jusqu’à goûter les quenelles de beurre tandoori et de curry noir qui s’offrent à nous. Les mises en bouche, guimauve de popcorn, barbe à papa de foie gras et fromage de chèvre à la gelée de pomme verte, texturées, moelleuses, précises, avaient déjà mis les curieux sur la piste de la personnalité de Maxime Kowalczyk. Le chef ne cuisine pas, il s’amuse. Il n’y a qu’à regarder les assiettes pour s’en convaincre.

La Ferme de Clavisy, dans l’Yonne, fait partie de ceux avec qui le Côte-d’Orien travaille depuis des années.
La Ferme de Clavisy, dans l’Yonne, fait partie de ceux avec qui le Côte-d’Orien travaille depuis des années.
© Christophe Fouquin
Bœuf de Clavisy,  chou rouge, betterave & sapin
Bœuf de Clavisy, chou rouge, betterave & sapin
© Christophe Fouquin

LE SUCRE COMME EXHAUSTEUR DE GOÛT
Si la cuisine de ce celui-là n’a pas d’étiquette, elle mixe les codes de la gastronomie française à l’inventivité de la jeune génération. Celui qui trouve son inspiration juste en regardant un produit, capable de concevoir une carte entière de plats pendant un trajet en train, ne se fixe pas de limites.

“LA CUISINE, C’EST UNE REMISE EN CAUSE PERPÉTUELLE"
Maxime Kowalczyk

L’inspiration confie sa compagne Tiffany, qui officie en salle, lui vient comme ça. Il se lève en pleine nuit pour imaginer l’inimaginable – les topinambours rôtis sur des grains de café, servis avec un bouillon de poule crémé et de la truffe du Périgord ont les faveurs de son équipe. Il peaufine une recette parfois pendant six mois avant de la mettre au menu.Dans l’esprit de ce bosseur, une autre ligne de conduite: la recherche du juste équilibre entre les goûts. Le sucre, Maxime Kowalczyk le puise dans les produits comme les fruits et l’utilise pour activer les goûts. Le résultat est saisissant: il faut goûter le foie gras mi-cuit à la clémentine servi en mise en bouche avec une compression d’endives façon tatin, ou le citron en trompe-l’œil, un dessert dont la coque en beurre de cacao cache la douceur d’un cœur à l’avocat musclée par une mousse au citron. À L’Empreinte, le topinambour gagne à être connu aussi, à l’heure du dessert: de minuscules petits cubes ponctuent d’une rare finesse la glace coco qui les chaperonne. Le palais est en ébullition. Maxime Kowalczyk a la cuisine dans le sang. Sa passion, il la tient de son oncle, pâtissier au Ritz pendant 15 ans et qui fut Meilleur Ouvrier de France. Cette étoile, oui, le chef la voulait. Loin des ronds de jambes qu’elle peut provoquer, la distinction honore le goût de l’effort de cet infatigable. Et l’humilité aussi. Car Maxime Kowalczyk est de ceux qui doutent. Tout le temps. «On se dit qu’on va continuer à faire de son mieux, la cuisine, c’est une remise en cause perpétuelle», admet le jeune homme dans un regard qui en dit long. À Buxy, le jeune homme né dans les grands crus, laissera qu’il le veuille ou non une trace indélébile. Son histoire à lui, n’en est qu’au premier chapitre.

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© Christophe Fouquin

LE COEUR ROUGE DE BUXY

À 26 et 22 ans, Maxime et Tiffany n’étaient pas spécialement pressés d’avoir leur propre restaurant. Ils en caressaient l’espoir quand un promoteur immobilier a accéléré le cours de leur destin: «en visitant ce lieu, niché dans les remparts de cette ville médiévale, on a eu le coup de cœur», raconte Tiffany Gastal. Bâtiment classé, datant XIIème siècle, le restaurant fait partie de l’histoire de la ville. Imprimé dans les remparts en forme de cœur qui enserrent la cité, le lieu, qui fut autrefois une école, est repérable à sa tour ronde, la tour rouge, en référence à la couleur de son toit. Le restaurant a conservé l’authenticité de l’époque. Dans la salle, l’imposante cheminée domine le mur du fond et les boiseries structurent tout en sobriété la pierre de Bourgogne, omniprésente. La décoration, volontairement épurée, combine des traces de ce passé médiéval à des touches plus contemporaines et chaleureuses. Des fauteuils en velours ont remplacé les chaises en bois, les nappes blanches aux plis impeccables finissent d’habiller cet espace contemporain. Les nouveaux propriétaires ne souhaitaient pas dénaturer les lieux, mais ils tenaient à mettre leur patte. C’est sans doute dans la tour rouge – aménagée en salon privatif pouvant accueillir jusqu’à dix personnes- que le charme d’antan opère le plus. Avec le retour des beaux jours, la terrasse offre un point de vue remarquable sur cette tour poétique. À l’entrée, un autre vestige témoigne du passé : un mûrier, planté en 1789. Point final de la visite touristique de la ville, il est le lieu propice de retrouvailles et de conversations que l’on aime prolonger à l’envie.

http://www.lempreinte-restaurant.fr/

L'Empreinte
L'Empreinte
© Christophe Fouquin
L'Empreinte
L'Empreinte
© Christophe Fouquin
L'Empreinte
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