Comment avez-vous découvert les Halles centrales ?
J.F Chenu Après avoir fait deux ans d’apprentissage dans la boucherie de mon frère rue Guillaume Tell, tenue aujourd’hui par mon neveu, j’ai débuté un second apprentissage sous les Halles chez Alviset. Aujourd’hui c’est la troisième génération de la famille qui est en place, mais à l’époque c’était le grand-père qui tenait l’étal. Il faisait figure de référence sur le marché ! Je suis resté 2 ans et demi auprès de lui et quand je suis parti il m’a conseillé de venir m’installer.

© Emma Benyamine
Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
C’était les années 70, une tout autre époque. Du temps de mon apprentissage on entrait en voiture dans les allées. On s’arrêtait au milieu, on déchargeait et on repartait. Il y avait même des trottoirs. Tout autour des Halles, c’était le marché de gros avant qu’il ne se déplace vers Ikea. Les détaillants se fournissaient ici. À la place du Bistrot des Halles, je me souviens qu’il y avait le bazar du Père Weill. On y trouvait de tout ! Du reste, il n’y avait que des marchands de fruits et légumes, de poissons… Sous les Halles, il n’y avait pas encore de stands, c’était des murets et des bancs sur lesquels on s’installait.
Quand vous êtes-vous installé ?
Je suis arrivé pour de bon en 1979, j’avais 22 ans. À l’époque, la Ville avait le projet de refaire les Halles et d’installer des vrais stands en dur. Il fallait vraiment y croire pour décider de se lancer car il y avait eu l’idée de transformer les lieux en parking. Finalement j’ai cru au projet qu’on m’avait présenté et en l’avenir du marché. L’avantage au début c’est que les loyers étaient faibles puis j’ai acheté le fonds de commerce à la Ville de Dijon et j’ai fait installer des vitrines… On entrait encore dans sous les Halles en voiture, je me souviens même que parfois je me garais à côté de mon stand.
Lors de la deuxième phase de rénovation en 94, je suis partie faire un trek au Népal pendant les travaux ! Ils avaient divisé le chantier en 4 parties pour ne fermer qu’un seul pavillon à chaque fois. C’est à ce moment-là que les voitures ont été interdites si mes souvenirs sont bons. Ils ont aussi carrelé le sol, fait installer des portes électriques et le chauffage. Mais vous savez, en tant que commerçant, on s’habitue à la fraicheur, on ne la sent même plus.

© Emma Benyamine
Qu’est-ce qui vous a fait rester aussi longtemps ?
J’ai toujours eu le truc, la fibre. Je me sentais dans mon élément. Quand on travaille sous les Halles, il faut être spontané, à l’aise et aimer discuter, s’ouvrir aux autres. Dijon est une petite ville, tout le monde se connait et les Halles, c’est un village. J’ai eu beaucoup de sources de fierté ici, j’ai travaillé pendant plus de 20 ans avec des chefs étoilés comme William Frachot ou Jean-Pierre Billoux. J’ai croisé Mme Chirac, François Hollande, Jean-Luc Petitrenaud qui aimait tourner ici. Il y a même eu le film La Cuisine Américaine avec Eddy Mitchell dont certaines scènes ont été tournées sous les Halles. Mais l’une de mes plus grandes reconnaissances a été de fournir les crèches de Dijon pendant 18 ans. Je me souviens des périodes de fêtes. À Noël, c’était la folie, on se faisait livrer des quantités incroyables.
Comment s’est passé votre départ en retraite ?
J’avais envie de continuer et en même temps j’avais déjà ralenti mon rythme de travail. Il était temps de tourner la page. C’est alors que l’occasion s’est présentée et j’ai transmis mon échoppe à Julien Carrelet qui a pris la relève. Je viens encore tous les samedis matin faire mon marché et retrouver les copains pour refaire le monde