Son savoir-faire, son désir d’apporter du plaisir aux gens et ces gestes de cuisinier qui sont un langage universel, Christian Têtedoie, chef étoilé et Maître cuisinier de France, les partage au quotidien avec ses équipes pour le plus grand bonheur des clients de son établissement éponyme, sur les hauteurs de Lyon.

Voilà plus de onze ans que Christian Têtedoie, cuisinier dans l’âme, a quitté les quais pour investir la colline de Fourvière, l’éminence grise de la Capitale des Gaules. C’est là, à l’emplacement du « bâtiment des fous » de l’ancien hôpital de l’Antiquaille, – ils n’en ont gardé qu’un, c’est moi, plaisante le chef – qu’il ouvre son nouveau restaurant en 2010. « Une sacré aventure ! ». Conçu par l’architecte Mathias Soulier, c’est un modèle d’intégration. Où que l’on s’installe, le panorama sur la ville est unique; de la salle entièrement vitrée du restaurant gastronomique au Roof Top, de la terrasse de la Brasserie au rez-de-chaussée de l’édifice aux salons privatifs, on est saisi. Plus qu’un restaurant, Christian Têtedoie se réjouit d’en avoir fait « un lieu de vie ».

MARIER GASTRONOMIE ET ART
Dans la grande salle d’une quarantaine de couverts du restaurant gastronomique, la vue le dispute au décor. Esthète, Christian Têtedoie y accueille les œuvres d’artistes. « J’aime les belles choses, la mode, la décoration, les voyages aussi », souligne ce nantais d’origine arrivé en Rhône-Alpes pour intégrer la brigade de Monsieur Paul. « Je suis bien ici. Je ne me vois pas vivre ailleurs. » Chez Christian Têtedoie, on marie la gastronomie et l’art. Le lampadaire « Œuf au plat » de Michel Froment est devenu aussi emblématique de la Maison que le fameux HTV, Homard Tête de Veau, plat signature du chef. Les saisons inspirent les recettes. L’huitre boudeuse s’accoquine au potimarron et son crumble aux épices. Un Saint Joseph blanc, cuvée Clé de sol de Bastien Jolivet en souligne les saveurs iodées. « J’ai envie d’apporter du plaisir aux gens. La cuisine, c’est une vocation ; c’est ancré en moi. »

UN HÉRITAGE FABULEUX À FAIRE PERDURER
Sous le regard fier de grands portraits ethniques du photographe Éric Saillet, la saveur d’une escalope de foie gras poêlée et son ragoût de lentilles du Puy, vous ramène au terroir. Subtil, réconfortant, relevé par la fraicheur du gingembre. Une cuisine généreuse réalisée par le chef exécutif, Christophe Carlier qui vise le col de MOF dès le prochain concours. Christian Têtedoie pour qui la transmission est un devoir le soutien pleinement. « En France, on a un héritage puissant : on doit passer le témoin ». Un axe sur lequel il travaille depuis deux ans, « pour la cuisine française, un peu chahutée par beaucoup de pays ». Son projet de Centre de Formation et d’Apprentissage privé bouscule les règles. Un cursus en trois ans qui débutera par trois mois en immersion totale à l’école, « pour leur donner des codes pour leur formation, leur carrière, pour qu’ils sachent défendre leur profession », assure le chef que trop d’abandons désole. Très demandé à l’étranger, le chef consultant Têtedoie l’est tant pour sa cuisine que pour ses qualités de pédagogue.

A LA RECHERCHE DES SAVEURS PERDUES
Cuisson parfaite du rouget fondant et savoureux. Le fi let de pigeon juste cuit sur le coffre, ses pommes de terre au lard gras et tombée d’épinards, se distingue par son jus réduit de câpres et citron confit. Classique Christian Têtedoie ? « Oui, mais avec ce twist contemporain et un rien rêveur qui l’amènent à concocter créer des accords inattendus », affirme Dado Lopez, directeur artistique de la Maison. Avec le homard tête de veau, on célèbre l’alliance des contraires, un terre-mer souverain et le secret bien gardé d’une sauce unique. « Je suis un affreux gourmand. C’est pour ça que je fais ce métier. » Ce qui prime : la qualité des produits et le goût. Dans « son jardin », en partenariat avec de jeunes producteurs, il relance la culture de variétés anciennes très adaptées car issues de la région(1). « A force d’avoir été « coupées », le génome des graines s’est appauvri. On doit sécuriser cet héritage pour les générations futures. À nous, les chefs, de remettre en lumière ces légumes meilleurs pour la santé, plus savoureux et écoresponsables. » Verte est
l’étoile Michelin reçue en 2021.

SE BATTRE POUR LE BIEN-MANGER
Généreux et engagé auprès des hôpitaux de Lyon, de la Banque alimentaire pour qui il a fait menus et démonstrations, le chef enseigne comment faire meilleur avec peu, se bat contre le gaspillage alimentaire et la perte de vitamines de légumes que l’on tarde à cuisiner. « Si on mange mal, c’est qu’on le fait exprès ». Impatient et exigent, il l’est d’abord avec lui-même. Des traits de caractère qui lui ont valu d’être Meilleur Ouvrier de France en 1996. Quand la bataille du bien-manger rencontre l’esthétisme, le chef pâtissier Christophe Tuloup n’est pas loin. Artiste, il dessine ses assiettes avant d’y dresser son dessert autour du chocolat Jivara, cacahuète, mangue et passion, son Mont-Blanc revisité ou son baba orange gingembre. Une apothéose d’élégance gourmande.

(1) Le chef s’approvisionne à l’institut Vavilov, de Saint Petersbourg, 4e banque mondiale de semences.

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