Aurélien Mauny, des jardins à l’assiette

Cuisinier de l’ombre

Le chef s’amuse aussi avec les contrastes, de couleurs, de goûts comme de textures. Pour y parvenir, il implique l’ensemble de son équipe, depuis son second, Guillaume, son ami d’enfance et compagnon d’apprentissage qui l’a rejoint il y a sept ans, jusqu’à Julien, son chef pâtissier, qui signe l’ensemble des gourmandises sucrées. Pas un plat ne part en salle sans avoir eu l’aval de sa brigade qu’il implique dans toutes ses créations. Ce travail d’équipe, ces fidèles qui l’accompagnent, c’est l’une des forces d’Aurélien Mauny. Son humilité – son humanité aussi – il la doit à ses racines de Saône-et-Loire. Et sans doute aussi aux rencontres professionnelles qui ont jalonnées son parcours.

Formé au CIFA Lameuloise de Chagny, l’Autunois passe ses années d’apprentissage au Chalet Bleu auprès du chef Philippe Boucher. Ce dernier lui inculque l’amour de la cuisine « un métier que j’ai toujours voulu faire sans trop savoir pourquoi », avoue l’Autunois, pendant deux ans. Aurélien Mauny rejoint ensuite la brigade d’Éric Briffard, au sein du restaurant Les Elysées du Vernet à Paris. Il y apprend la rigueur d’un chef formé à l’école Robuchon, ainsi « qu’un état d’esprit ». « Je sortais d’un restaurant familial, j’ai vite compris qu’il allait falloir que je m’adapte rapidement », admet le chef. Aurélien Mauny rejoindra ensuite trois signatures de talent à Lyon, dans la brasserie luxueuse le 33 Cités avec Frédéric Berthod (passé par la case « Bocuse »), Christophe Marguin et Mathieu Viannay (Meilleur Ouvrier de France). Aux côtés de ce dernier, Aurélien Mauny apprend une cuisine moderne et raffinée. Et affine son style culinaire. à l’Abbaye de La Bussière en Côte-d’Or, le Bourguignon se perfectionne pendant quelques mois au sein d’un restaurant étoilé Michelin avant de postuler au Grand Hôtel La Cloche. « à l’époque, je cherchais du travail, je voulais me rapprocher d’une ville, de ma famille aussi. J’ai vu cette annonce et je me suis présenté. » Simple mais payant. Aurélien Mauny intègre en novembre 2008 Les Jardins by La Cloche en tant que chef de partie. Son talent combiné à un heureux concours de circonstances le propulse quelques mois plus tard, à 24 ans, au rang de chef cuisinier. « On appréciait beaucoup son travail, confie Antoine Munoz, le directeur de l’établissement Quand il a décidé de postuler pour être second, je lui ai carrément proposé le poste de chef. »

L’élégance des lieux jusque dans l’assiette

Depuis huit ans, Aurélien Mauny est donc aux commandes du restaurant et conçoit aussi les recettes des plats servis dans les espaces de séminaires ainsi qu’au bar de l’hôtel qui propose une restauration fooding à toute heure de la journée. Avec deux exigences : le respect du standing de l’établissement et l’envie d’aller toujours plus loin dans ses associations culinaires. La rénovation magistrale des lieux qui s’est achevée l’an dernier, lui a, reconnait-il, permis de développer une cuisine qu’il aime simple, traditionnelle et élégante. « Modernisé, le restaurant a adopté un ton plus décontracté, ce qui m’a permis aussi de faire de nouvelles propositions dans l’assiette, en conformité complète avec l’esprit de l’endroit ». Conçu tout en rondeur, sous une verrière panoramique avec vue sur le jardin d’inspiration japonisante complètement réaménagé lui aussi, le restaurant invite en effet à la tranquillité dans un espace à la décoration chic mais pas guindée, dans laquelle l’art dijonnais est omniprésent.

Une atmosphère qu’ Aurélien Mauny transpose jusque dans les assiettes. Il propose notamment aux clients, même aux plus fidèles, de nouvelles déclinaisons, de nouvelles présentations des spécialités bourguignonnes. Servie lors des rendez-vous d’affaires, sa Trilogie de nos régions dévoile la richesse gastronomique locale autour d’un cromesquis d’escargot à l’ail des ours, d‘un œuf de caille meurette et d’un jambon persillé. Influencé par la cuisine asiatique, le Saône-et-Loirien ponctue ses recettes de saveurs originales, ici une sauce soja, là quelques agrumes pour puncher ses préparations. Adepte de l’adrénaline de la dernière minute, ce chef de l’ombre s’efface volontiers au profit de dressages poétiques. Sa personnalité, vous la devinerez en observant ses assiettes colorées, graphiques et délicates. Et si vous souhaitez malgré tout, lui glisser un mot, demandez : il passera peut-être discrètement vous saluer.