Quatre générations séparent Guy Lassausaie de Marie-Louise, puis Léa et enfin Yvette, les femmes de la Maison Lassausaie. De la modeste bâtisse de famille au cœur du village, Guy Lassausaie, en chef d’entreprise avisé, a fait un restaurant d’une grande élégance, poussant les murs au fil des années. Fidèle à ses illustres maitres, de Mado Point, La Pyramide à Vienne, à Louis Outier de l’Oasis à Mandelieu, il fonde sa cuisine « sur des racines classiques. Et quand tu connais les bases, tu peux faire ce que tu veux ». En la matière, Guy Lassausaie sait de quoi il parle, lui qui décroche de titre de Meilleur Ouvrier de France en 1993, gage suprême de savoir-faire. Fidèle, respectueux, tant de ses équipes que de sa clientèle ou de ses fournisseurs, le chef Lassausaie assure tous les services du restaurant de Chasselay, étoilé en 1992, puis en 2009 (1). Et ça se sent.

© Emmanuel Spassoff

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Luxe, calme et volupté
Tout ici est pensé pour vivre un moment hors du temps. Salle et salons sont spacieux, décorés avec raffinement. Des bronzes choisis avec goût y rivalisent avec le cristal d’objets précieux en vitrines et les toiles du peintre et ami lyonnais Jean Fusaro. « Ne jamais sous-estimer la décoration. Encore moins l’accueil. Il fait 50% du restaurant, avant même la cuisine », souligne le chef qui en fait un must dans sa brasserie lyonnaise, Bulle, ouverte en 2022. L’apéritif maison, griottine, Pims et Cerdon du Bugey rosé, ouvre le bal dans sa robe orangé. De gourmandes et légères mises en bouche légumières l’accompagne. Doux présage de la suite. S’annonce alors l’œuf. Servi brouillé dans sa coquille, il s’acoquine de grenouilles et de cèpes et d’une crème d’artichaut en émulsion légère. Un classique suave et réconfortant. Ici, l’œuf caviar et les huitres au caviar restent à la carte ; « de toute façon, on me les demande » glisse-t-il dans un sourire. Marie-Annick Lassausaie, épouse du chef et sommelière, suggère
d’accompagner l’araignée de mer fraîchement émiettée, champignons en marinade et émulsion homardine, d’un Pouilly-Vinzelles, La Soufrandière en 2022, Grand vin de Bourgogne des Bret Brothers. « On est sur le Mâconnais, beaucoup de fraîcheur, une petite note d’acidité », annonce t-elle. Le service prévenant et feutré délivre de délicieux petits pains maison aux multiples saveurs.

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Chacun sait ce qu’il a à faire
En cuisine, dans un calme ballet, le chef termine le filet de Saint Pierre travaillé dans une fleur de courgette, avec son second, Albert Vezzoni. Huit ans que le Bastiais marche dans les pas de Guy Lassausaie, adoptant la maxime maison « le respect du produit avant tout ; ne pas le dénaturer. » Ici, l’efficacité prime. Chacun sait ce qu’il a à faire. « La première source de plaisir, c’est de manger. Il faut être généreux avec tes clients pour qu’ils soient heureux. » Cuisson parfaite du Saint-Pierre que l’on dégustera avec un Saint-Romain vieilles vignes 2023, de Sylvain Loichet, chardonnay de la Côte de Beaune. Près de 20 000 bouteilles se bonifient dans la cave pour les amateurs dont de nombreux clients japonais. Si le pigeon au foin, immortalisé par Fusaro, est une des spécialités du chef Lassausaie, c’est toute la tradition dans une parfaite actualité que l’on retrouve avec le filet de pigeon fondant garni d’une fi ne farce de volaille et de foie gras. La puissante rondeur d’un Chorey les Beaunes 2020 d’Antonin Guyon, en souligne la saveur musquée.
Le goût français revendiqué
Trois menus aux prix modérés suivent les saisons pour une cuisine au goût français : une ligne de conduite que le chef au col bleu blanc rouge s’est attaché à garder, sans céder aux modes. « Une cuisine créative, un peu originale, sans aller dans les excès. Si je fais un dessert au citron, le je fais au citron, pas au yuzu. » Quinze ans de consulting en Amérique du Sud, Cambodge et Japon « où l’on m’embauchait pour que je fasse de la cuisine française. Et je me rends compte que les gens sont contents de retrouver ça. Il faut garder sa singularité, » défend celui qui a assuré la présidence des Toques Blanches lyonnaises pendant près de 10 ans.
L’élégance moderne apportée aux classiques
Le prédessert de mirabelles rôties et sorbet verveine est servi subtilement à propos pour apprécier les desserts. Éric Maurice, chef pâtissier, globe-trotteur, formé dans de grandes maisons, s’est posé à Chasselay. Depuis neuf mois, avec la confiance du chef Lassausaie, il apporte sa touche « d’élégance moderne aux classiques », dans l’esprit de la Maison. Desserts et mignardises, tuiles aux amandes et macarons que l’on retrouve aussi dans la boutique de l’établissement, sont de petites œuvres d’art et de saveurs vraies. Comment choisir entre la framboise au naturel, en gel et cœur coulant, auréolée d’une sphère de mousse de noix de coco et de sorbet framboise, et la fraise et fi gue sur leur biscuit aux amandes, glace au fromage blanc et jus de figue aux épices ? Ou peut-être le chocolat, mousse Guarana sur un biscuit cacao, grand cru de chez Valrhona, noisettes caramélisées et glace au chocolat lacté. Et les étoiles, on en parle ? Sans se départir de son calme, le chef s’étonne : « Quand tu transformes, tu améliores, tu fais mieux sur table que tu le faisais, et que tu ne les as plus, c’est frustrant. » Et pourtant, rien n’entame l’enthousiasme de ce chef aussi réservé que sympathique : « J’aime diriger tout ça. Je ne me vois pas du tout arrêter. Ni dans 2, ni dans 3, ni dans 10 ans ».
(1) une 2e étoile qui lui a été retirée en 2020
1 rue de Belle Sise
69380 Chasselay
04 78 47 62 59
http://www.guy-lassausaie.com