Valentin Marin a reçu des mains de son père, le chef Pierre Marin, les rênes du restaurant Lamartine*, perpétuant avec talent l’histoire familiale et la réputation de cet étoilé Michelin. Depuis 2020, avec Charlotte, sa compagne, ils inspirent l’évolution de la maison qui surplombe le lac du Bourget.

Trois ans que Valentin Marin a repris la carte du restaurant. Accueillant et posé, le jeune chef de 30 ans affiche la sérénité du lac par beau temps.

« Quand il est rentré à la maison, il avait fait un sacré parcours, assure Pierre Marin, son père. On a vu qu’il était capable ».

Après l’école Ferrandi, Valentin Marin fait ses armes « loin du giron familial, sans piston ». Ce sera le Georges V à Paris, Pic à Valence, le Kaïku à Saint-Jean de Luz ou encore le Dan B à Aix en Provence. En 2020, la pandémie aura raison de sa quête d’excellence : elle l’oblige à écourter son expérience britannique à l’Enclume pour rentrer au pays. Là, sur les bords du Bourget, l’attendent ses parents, Marie-Christine et Pierre Marin, qui tiennent le Lamartine depuis 1997, à la suite d’Odette et Jean Marin, fondateurs de l’Auberge éponyme en 1964. La troisième génération est prête. La relève en marche.

LA VUE SUR LE LAC S’ÉTIRE À 180°

La position exceptionnelle de l’établissement, l’accueil et la table sont à l’unisson : élégance et délectation. Dans la salle entièrement vitrée, la vue sur le lac s’étire à 180°. « Il change de couleur à chaque heure du jour » souligne Marie-Christine Marin.

Déjeuner sur la terrasse, sous chênes et tilleuls ou près du brasero, est un vrai privilège. Pour assurer les services de 50 à 60 couverts, ils sont quatorze en cuisine.

« Ce qu’il sort, c’est juste, c’est bon, » assure Pierre Marin, chef du Lamartine durant plus de 30 ans, présent pour soutenir son fils en attendant l’arrivée prochaine d’un second. Noblesse d’âme du père qui s’efface, laissant les commandes à son jeune chef de fils : « de toute façon, à deux, ça ne marche pas ».

Valentin Marin a forgé son management au fil de ses expériences passées.

« J’ai vu ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas. On essaye de faire au mieux, avec de la rigueur, il en faut un peu tout de même », explique le jeune chef dont la brigade est logée en grande partie dans des studios construits pour eux, « sinon, ils ne viendraient pas à cause des prix des locations ».

ENTRE SAVEURS ET ÉMOTIONS

Les agapes sont lacustres et herbacées. Passion cueillette de père en fils. Les mises en bouche sont partagées « comme à la maison », pousses du jardin, crème de petits pois sur le cul argenté d’une cassolette, radis en pickles, onctueuse mousse de brochet. Gare à la diabolique tentation du pain maison « comme un croissant » et du beurre foisonné au carvi. Terrible ! Le tartare d’écrevisses du Léman travaillées à 100% ouvre le ban. Servi avec une crème d’agrumes et réduction d’écrevisses, il est rehaussé d’une pointe de caviar « pour amener le coté puissant et gouteux ». Il y a de la sorcellerie dans cette entrée. « Ne pas se disperser, chercher l’authenticité du goût », revendique le chef.

On aime à se laisser guider par Olivier Pain, directeur de salle et sommelier qui préconise la minéralité et la rondeur sur le fruit d’un vin blanc 100% Altesse 2018 de la Maison Dupasquier. La cave, une autre des passions de Valentin qui initié « une cabane pour y oublier le vin ».

Ô TEMPS, SUSPEND TON VOL

L’asperge verte en cru et en crémeux s’accompagne d’un sorbet à la verveine. Croque ton jardin d’aromates !

« Ce qui est intéressant, c’est la remise en question constante. On ne peut pas rester sur nos acquis »

estime celui qui reconsidère sans arrêt ses plats. Son inspiration, il la puise dans les produits de l’instant. Cuisiner les poissons est une passion : « il y a une subtilité particulière et j’adore les sauces ». On la voudrait sans fin, la sauce aux œufs de poissons, vive et ronde à la fois qui accompagne l’omble chevalier. Divine harmonie. La pause fraîcheur servie dans la tulipe de grès de la céramiste « chérie » du Lamartine titille les sens. Veillant au bien-être de chacun, Charlotte et Nathalie assurent une présence chaleureuse et stylée. On est bien, là.

IL A TOUT D’UN GRAND

Les sens s’émoustillent quand s’annoncent les ris de veau, charmés par la morille et l’asperge blanche. La sauce est sublime, la cuisson parfaite. Est-ce pécher ? Sûrement pas. Les notes de sous-bois d’un vin du Gard, charpenté mais étonnamment léger (12,5°) de chez Thibault, soutiennent ce merveilleux classique. Somptueux plateau de fromages ou beaufort en émulsion sur un crumble de noix et noisettes ? Le talent de Valentin Marin ne se dément pas. Il a tout d’un grand.

Les trois toques décernées par le Gault & Millaut en 2023 ne doivent rien au hasard. Les desserts confirment l’inventivité et la posture du chef : générosité, équilibre et harmonie, véritables valeurs familiales. Avant que de parler projets – ils en ont en matière d’hôtellerie – Charlotte et Valentin veulent asseoir pleinement leur nouvelle organisation. De très belles chambres, « classe, mais sans ostentation », trottent dans leur tête, « pour loger nos clients dans de belles conditions ; ils nous le demandent ».