Cuisinier à part et homme de convictions, il décroche en l’espace de deux ans deux étoiles au Michelin et un titre de Meilleur Ouvrier de France. Une réussite fulgurante qu’il doit à son talent, mais pas seulement. La recette Mille, c’est aussi une cuisine respectueuse du produit et résolument tournée vers les autres. Vous l’aurez compris, on n’en fait pas mille des comme lui.

La campagne, le berceau de son enfance

« Originaires du Mans dans la Sarthe, nous habitions en ville avec mes parents. Cependant, j’ai surtout été élevé à quelques kilomètres de là, à la campagne avec mes grands-parents, mes oncles et tantes. Ensemble, nous allions cueillir les fruits et légumes dans le potager et le verger de la maison familiale et nous les préparions ensuite sur la grosse cuisinière. à l’époque, je montais sur la petite estrade pour pouvoir tenir la casserole puis, au fur et à mesure, l’estrade a disparu et l’envie de cuisiner est restée. à partir de ce moment-là, le désir de bien manger ne m’a jamais quitté. Ce pouvait être un bon pot-au-feu, une bonne blanquette, de belles crèmes caramel, j’avais toujours, le souci d’une cuisson juste et gourmande ».

Philippe Mille
Philippe Mille
© Arnaud Dauphin Photographie

Un garçon qui sait ce qu’il veut

« En plus de la cuisine, j’aimais aussi beaucoup dessiner, j’adorais les mélanges de couleurs et la précision que pouvait apporter cette activité, sans doute les prémices d’un certain côté artistique. Après avoir été prévenu par mes parents sur les inconvénients du métier de cuisinier, je me suis lancé. J’ai d’abord commencé en apprentissage par la pâtisserie avant d’évoluer vers la cuisine que je n’ai jamais quitté. En 1994, Jean Bordier (MOF 76) dont le beau-père avait travaillé avec Auguste Escoffier, m’offre mon premier poste de commis au restaurant l’Aubergade. Là-bas, j’apprends toutes les bases classiques de la cuisine française. Comme à l’école, on prenait l’Escoffier et on réalisait quasiment les mêmes recettes. à l’âge de 21 ans, j’ai eu la chance de faire le service militaire durant lequel j’ai vécu ma premier expérience de management en cuisine avec la gestion d’une équipe de non-cuisiniers, pas évident à l’époque mais très enrichissant. En 1996, je rejoins la brigade de Louis Grondard (MOF 79) au restaurant Le Drouant où il commence à y avoir une rigueur importante. Il m’envoie ensuite chez Frédéric Anton au Pré Catelan. J’y découvre une cuisine pure et très technique couronnée par un titre de MOF en 2000. Je poursuis ma route avec Michel Roth chez Lasserre avant de le suivre au Ritz. A partir de là, l’aventure des palaces s’enchaîne, l’hôtel Scribe puis Le Meurice… C’est alors la rencontre avec différents types de restauration pour une clientèle très exigeante. J’apprends que le roomservice est quasiment plus important que le restaurant gastronomique. Après six années passées au Meurice en tant que chef exécutif, j’éprouve le besoin de gravir un nouvel échelon ».

Les cuisines de Crayères
Les cuisines de Crayères
© Arnaud Dauphin Photographie
Les Crayères
Les Crayères
© Arnaud Dauphin Photographie

Un nouveau départ

« Il y a trois ans, la famille Garnier m’a contacté pour me proposer un poste de chef au Domaine Les Crayères. Fruit du hasard, c’était l’une des premières maisons trois étoiles dans laquelle j’étais venu manger à l’époque pour un anniversaire. J’avais laissé mon cv de commis mais malheureusement il n’y avait pas de place. Coup du sort ou simple coïncidence, 20 ans plus tard m’y revoilà en tant que chef ».

A l’époque, je montais sur la petite estrade pour pouvoir tenir la casserole puis, au fur et à mesure, l’estrade a disparu et l’envie de cuisiner est restée.
Philippe Mille

Sa plus grande fierté : le titre de MOF

« Tous les chefs avec qui j’ai travaillé étaient MOF et j’ai vite compris que je voudrai en faire de même. Mon dynamisme me pousse à en vouloir toujours plus et à grandir à travers ces concours. Qu’on gagne ou qu’on perde, chaque concours est une expérience unique. Quand Mr Anton l’a préparé à l’époque, j’étais chez lui, j’ai pu me rendre compte des difficultés et surtout comprendre comment appréhender la chose… Pour ce concours, on a les yeux qui brillent, personnellement quand j’ai eu le titre, j’ai fondu en sanglot. Je pousse ma brigade à faire des concours pour qu’ils grandissent, pour qu’ils connaissent ces grands moments de vie et qu’ils soient fiers de ce qu’ils font. La seule chose que je demande, que ça leur vienne du cœur. »

 

Un chef bienveillant

« Je suis un chef stricte et rigoureux mais je n’irais jamais jusqu’à être colérique ou à aboyer dans toutes les cuisines. Le respect s’acquiert par le travail. A partir de là, on peut recevoir beaucoup sans avoir à tirer ses équipes vers soi. Travailler avec le sourire tout en se faisant plaisir, c’est possible et ça se ressent dans l’assiette. Je suis un chef ouvert : lors de la réalisation d’une nouvelle recette, chacun donne ses idées, tout le monde partage, je reste le décisionnaire mais une fois que le plat est réalisé, il contient un peu de chacun de nous. Comme ça, le jour où l’on refait le plat, chacun le fait avec un plaisir propre, et non pas parce que le chef l’a décidé. Une brigade c’est trop militaire, équipe c’est trop simple, pour moi nous somme une famille. »

Philippe Mille
© Arnaud Dauphin Photographie

Le respect, le fil rouge de sa cuisine

Elevé à la campagne, Philippe Mille connaît la valeur des produits qu’il cuisine. Le non-respect des produits et le gâchis, très peu pour lui ! « Que ce soit pour un légume, un poisson ou une viande, dès que je décide de l’utiliser pour une recette, je me sers de toutes les parties. C’est ce qui se passe avec la poularde de Mr Cognard cuisinée de la tête aux pattes ». La différence en cuisine se fait aussi par la diversité des produits utilisés. C’est pour cela que Philippe Mille accorde une grande importance à ses producteurs avec lesquels il entretient une relation quasi monopolistique. Mais ça n’a pas toujours été comme ça : pour en arriver là, le chef a dû convaincre, « En arrivant aux Crayères, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de producteurs locaux pour les restaurateurs. Je suis alors allé sur les marchés et j’y ai découvert des produits de grande qualité. Seulement, les maraîchers et les éleveurs ne vendaient que pour leurs amis ou leurs voisins. Après plusieurs déplacements, ils ont fait des essais et depuis on continu de grandir ensemble ». Le restaurant compte maintenant 5 sortes de mini-carottes, 25 sortes de tomates et plus de 100 produits différents à la carte. « Tous les ans, on va chercher des graines au Japon et aux États-Unis que l’on plante sur de nouvelles parcelles. C’est notre secret pour continuer de grandir et de surprendre ».

Les Crayères
Les Crayères
© Arnaud Dauphin Photographie
Les Crayères
Les Crayères
© Arnaud Dauphin Photographie
Les Crayères
Les Crayères
© Arnaud Dauphin Photographie

Les Crayères, un château à taille humaine

Les lieux et l’atmosphère de cette bâtisse, construite au début du XXème siècle, sont à l’image de la cuisine de son chef, traditionnelle et généreuse. « Je ne pouvais pas imaginer meilleur endroit pour l’expression de ma cuisine. Un lieu familial, à taille humaine pour une cuisine accessible et pleine d’émotion ». Situé en plein cœur de la Cité des Sacres, dans un parc verdoyant de 7 hectares, le Domaine Les Crayères est une parenthèse de campagne, dans la ville. Terre de champagne, le château doit son nom aux antiques carrières de craie dans lesquels s’opère une des alchimies les plus mystérieuses et les plus réjouissantes, la lente transformation du vin en champagne. Seuls les meilleurs ont en commun d’y avoir séjourné. Le Domaine cultive toujours ce côté pétillant, avec plus de 600 références de champagnes à la carte sur un total de 50 000 bouteilles. Symbole de l’art de vivre à la française du XXIème siècle, Les Crayères offre tout le confort d’une grande bâtisse familiale dans un cadre raffiné, délicat et subtil, associé au service d’un hôtel cinq étoiles.