Dans le soleil d’été indien, encadrée de deux palmiers, la bâtisse du 17e siècle du Domaine de Clairefontaine prend des airs de Côte d’Azur. À Chonas l’Amballan, dix kilomètres au sud de Vienne, elle est le délicieux écrin de la cuisine étoilée de Philippe Girardon, Meilleur Ouvrier de France, épaulé par Laurence, son épouse, sa « perle ».

Il y a ce parc arboré où chante une pièce d’eau. L’on y croise parfois Marinette, cordon bleu de 84 ans et Jean, les parents de Philippe Girardon, eux qui firent de la grande maison familiale une affaire commerciale en 1961. Il y a aujourd’hui « Les Jardins », dix-huit chambres de charme, à l’emplacement des écuries d’une demeure qui appartint au Diocèse de Lyon. Et puis, il y a la table du chef, étoilé depuis 1993, MOF en 1996 et pas une concession à l’exigence. L’accueil, le cocon stylé, doux et lumineux de la salle, les tables agréablement espacées dans l’ancien salon de musique familial : tout concourt au raffinement. De la cave où se pressent 450 références, le chef fait remonter un Condrieu, Pagus Luminis 2022 de Louis Chèze. Magnifique !

L’HOMME QUI FAIT « PLEURER LES TOMATES »
source de jouvence : parfumée en diable, toute la Provence dans la gorge, « un cadeau du Bon Dieu », et du chef, qu’une tomate trop mûre « pleurant son eau » a inspiré. Basilic, verveine, estragon viennent des jardins aromatiques du chef. Celui de Clairefontaine, celui du Cottage, le bistrot du chef et ses chambres et suites, à 800 mètres de là, celui de sa maison, toute proche. « On est des gens assez simples, des gens de la campagne. On sait d’où on vient. Et on a une petite idée d’où on veut aller ». Les mises en bouches, marque de fabrique de la maison, en témoignent : petit longuet à base de farce de pintade fermière du plateau de Davézieux, persil plat et escargots. Elevés en bio-dynamie à Primarette, ils font un tabac au Cottage. Son inspiration ? « Mes rencontres, lors des achats, au marché à Vienne ». Son récent parrainage de la Fête du Bleu du Vercors a initié ce délicieux petit sablé à la tomme de vache, l’eau de tomate en son éprouvette est une crème fouettée parfumée et œufs de truite. La bille de foie gras laquée dans sa cuillère en argent est un bonbon de saveurs.

ALLIER LE BEAU ET LE BON
« Comme ce qu’on fait est éphémère, il faut arriver à procurer de belles émotions, pour que ça reste gravé », explique le chef. La soupière de grenouilles, velouté crémeux, fin et réconfortant marquera les esprits, tout comme « la traditionnelle blette d’Ampuis », de Corinne Frécon, ilot végétal joliment travaillé, qu’une écume au bouillon de bœuf, poudré de truffe, vient lécher. Exquis !

« J’AIME BEAUCOUP TRAVAILLER LE HOMARD ET LE POISSON EN GÉNÉRAL »
Avant que d’arriver fondant dans l’assiette, l’omble chevalier de chez Murgat a vécu dans le vivier d’eau douce de Clairefontaine, de homard réduites en poudre, restes de viennoiseries séchées, le tout mouillés au petit lait. « Toute une économie », assure celui chez qui rien ne se perd ou termine sa course dans l’un des quatorze tris sélectifs. Exemplaire, non ?

ENTIER ET DROIT DANS SES BOTTES
Quarante ans de gastronomie. Trente ans d’étoile, de souvenirs et de reconnaissance, de Mado Point à la Pyramide, à Monsieur Paul, en passant par les Bouvarel, Le Cossec et Lassausaie, ses coachs du MOF, et ces chefs « qui ont su me placer de maison en maison, de chez qui je suis parti par la grande porte », ceux du Comité International des Bocuse d’Or dont il est membre, ses « vikings » de l’équipe d’Iceland qu’il coach, lui le président des MOF de l’Isère. Une vie de cuisine, un métier de passion. Entier, droit dans ses bottes, travailleur acharné, l’œil sur tout, Philippe Girardon l’affirme, « ce métier procure beaucoup de joies et énormément de soucis quand on aime ce qu’on fait ».

« ON N’EST PAS ÉTOILÉ MICHELIN DEPUIS 30 ANS PAR HASARD »
Le sorbet à la feuille de figuier et liqueur de Chartreuse jaune fait l’effet d’une petite bombe de fraîcheur! La Chartreuse, l’autre passion de Philippe Girardon, « tombé dedans tout petit » par la grâce de Jeanne, son cordon bleu de grand mère qui commença l’incroyable collection. La volaille fermière de Serpaize, moelleuse, parfumée, jus crémé à l’estragon, fait elle aussi partie des 82% de produits venus d’un rayon de 35 km alentour. Pour le chef de Clairefontaine, « être cuisinier, c’est choisir les plus beaux produits de son territoire, dans leur saisonnalité et savoir les transformer, les magnifier pour régaler nos clients. » Pâtissier ou magicien, Jonathan Martin? Philippe Girardon ne tarit pas d’éloge sur son chef pâtissier qui sublime les Mara des bois en un dessert ailé, intensifié par une crème de griotte de la Maison Trenel. Fabuleux ! « On n’est pas là depuis quatre générations, MOF et un étoilé Michelin depuis 30 années consécutives par hasard ; il y a un peu de travail quand même derrière.»

Les projets sont là aussi, en réflexion, avec Laurence Girardon, directrice générale et décoratrice inspirée, et leurs trois enfants, titulaires de très beaux parcours. « On s’interroge tous les jours quant à la suite. » La transmission, son autre devoir de MOF, à l’égard des jeunes, de père et de chef d’entreprise à l’égard d’Amélie, Thomas et Timothée.

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