Revisités et modernisés, les fastes du château du Vivier accueillent la table d’exception Saisons. Elle a gagné ses lettres de noblesse en février 2020, décrochant une étoile au Michelin pour le plus grand bonheur de Dominique Giraudier, directeur de l’Institut Lyfe. A 37 ans, Florian Pansin venait d’y prendre ses fonctions de chef exécutif : « Gérer un restaurant ne me faisait pas peur, mais je ne cherchais pas la gestion d’un étoilé », précise celui qui a officié chez les plus grands, chef dans les établissements de la Maison Trois Gros. L’étoile qui brille sur Saisons, Florian Pansin la maintient depuis avec sa cuisine, sa vision. « Quand je mange, il ne faut pas que ce soit trop cérébral. Ma cuisine, c’est une cuisine de produits ». Transmettre sa passion, Florian s’en ait fait un devoir. Par cycle de cinq semaines, sept étudiants de 3ème année en gastronomie œuvrent et apprennent « les techniques avancées » aux côtés des chefs dans les cuisines du Saisons. « J’ai envie qu’ils touchent de beaux produits : des soles, du turbot, du Saint Pierre, de beaux lieux jaunes de ligne. On a toujours un plat avec du caviar ou de la truffe à la carte. »
© Jonathan Thévenet
© Jonathan Thévenet
Oser sortir des sentiers battus
Dans la très belle salle de restaurant, les tables rondes nappées, les fauteuils de velours orange, la déclinaison raffinée des arts de la table invitent à la dégustation. Aux antipodes de la mal bouffe que semble célébrer le « Goûter », l’imposante toile de Thierry Bruet accrochée là, « Saisons » cultive et enseigne aux générations futures l’art de la gastronomie et l’excellence du service à la française. Et la clientèle locale et internationale ne s’y trompe pas. La Râpée automnale, plat emblématique du chef, distille ses saveurs : parfum enchanteur du cèpe, poêlée crémeuse et jaune d’œuf de caille que relève l’acidité subtile de câpres. « Ça sent la forêt quand on fait une grosse table », sourit Florian Pansin qui « n’aime pas qu’on s’ennuie quand on mange ». Cultivant les accords mets et vins, Paul Finck, jeune sommelier issu du sérail, propose d’accompagner l’éventail de Saint-Jacques, sauce au vin « rancio » de la Côte Vermeille montée au beurre, d’un Côte du Jura 1988 de la maison Rolet. Accords jurassiens d’une très belle puissance aromatique due au long processus de vieillissement. Osé mais splendide.
Je suis né dans un jardin
À 41 ans, la tempe joliment grisonnante, Florian Pansin se sent bien à Saisons. Epaulé par le chef Christian Née, il peut laisser libre court à sa créativité et à sa passion pour la transmission. « J’ai toujours su qu’un jour je transmettrai ce que j’apprenais. Mais je voulais avoir le maximum de connaissances et d’aisance technique. Ce qui me rend heureux, c’est de contribuer à ce que notre métier perdure dans l’excellence. » Adepte de la permaculture, en accord avec la ville d’Ecully, propriétaire du château et du parc, il a implanté deux serres. « Je suis né dans un jardin. Mon papi était maraîcher à Montélimar, explique-t-il en montrant de très longs haricots à présent montés en graine. Je plante des variétés qu’on ne trouve pas ailleurs. » À ses collaborateurs et étudiants, le chef et formateur fait découvrir ses radis Bacchus, piments de Bresse et autres courgettes jaunes qui poussent sur un sol vivant, paillé, ne nécessitant aucun traitement
Les années Troisgros
« J’ai été six ans chef exécutif à Roanne, puis à Ouches. J’ai vécu le déménagement et rayonné sur les trois établissements : la brasserie, l’Auberge de la colline et le trois étoiles. » Sous l’impulsion de ses mentors, Michel et César Troisgros, Florian a voyagé pour la célèbre maison, à San Francisco, Montréal, New-York, Tokyo et en Europe aussi. Du Japon, il a ramené mille inspirations réinterprétées à la française. Son rouget-barbet de roche aux mendiants, à la belle sucrosité, se pare de saveurs délicatement safranées. Et parce qu’il fait merveille avec le plat, on se laisse aller à la découverte d’un vin de Barollo de la Piémontaise Bruna Grimaldi. La canette de Challans, rôtie au beurre yuzu kosho, termine sa cuisson en salle, sur une pierre de lave à 190°, fumée au foin dans son coffret de bois. C’est puissant et délicieusement relevé, accompagné d’une Côte-Rôtie 2020, Bassenon de chez Yves Cuilleron.
La transmission dans leur ADN
À 33 ans, Arnaud Montrobert, chef pâtissier de Saisons, est l’ami et complice de douze ans de Florian Pansin. Ces deux-là ont la transmission dans leur ADN. Maison Troisgros, chocolats Weiss, Maison Marcon, « j’ai été très fidèle à chaque maison », souligne celui qui a doté le Saisons d’un broyeur « pour faire nos pralinés. C’est notre chocolat à nous. Ça a du sens pour les étudiants. » Avant que de savourer son Feuille à feuille chocolat et câpres ou le baba, généreuse couronne à partager et dessert fétiche d’Arnaud Montrobert, le prédessert au coing et fleur d’oranger livrera sa gelée parfumée, la savoureuse onctuosité du coing poché, relevée d’une subtile pointe d’acidité. Un brin régressif. Le bonheur se niche souvent dans les détails.