A la table des Terrasses de Lyon, il en va ainsi des mises en bouches, veggies dans l’air du temps, au suprême de pigeon royal rôti aux sarments de vigne. Sur son lit de petits pois en purée, il se pique de moutarde à la pistache et se voit parsemé de morceaux de fraises, « pour leur touche d’acidité, leur côté floral », souligne le Chef, et de pistaches concassées, histoire d’éveiller les sens. « Ici, on cuisine comme on aime manger. » Parisien, David Delsart n’a pas cette culture du terroir qu’ont nombre de chefs lyonnais. Néanmoins, l’évidence de « bien se comporter, par rapport à la société, au climat » l’amène à travailler de plus en plus avec des fournisseurs locaux. L’occasion de belles rencontres, comme pour les fraises et les asperges de Pusignan, grâce à Via Terroir. « On a goûté et on a plongé. » Même coup de cœur régional pour ce « bougnat », longe de porc maturée 40 jours dans du foin du Forez : « magnifique ! Ce foin est juste fabuleux. »
L’IMPORTANT, C’EST DE SE RESPECTER MUTUELLEMENT
Pour le Chef des Terrasses de Lyon, la cuisine est une affaire d’équipe. « Ce qui m’a fait aimer ce métier, c’est avant tout l’ambiance dans une cuisine. » Son plaisir ? Partager, échanger avec ses collaborateurs et son second, Dylan Desmoulins. Ici, tout se décide ensemble, durant la journée de travail. A la Villa Florentine, pas le temps de se poser. La fréquentation de l’établissement est soutenue et la -production est continue entre 7h00 à 22h30. « Je demande ce qu’ils ont envie de travailler ; on regarde avec nos producteurs. C’est autour de tout ça qu’on construit quelque chose, ensemble. » Ouverture d’esprit et dimension humaine caractérisent ce chef atypique. Loin de la gastronomie spectacle ou de la course aux récompenses, David Delsart revendique une cuisine dont le produit serait le roi, à la hauteur des attentes des clients de l’établissement, une interprétation moderne des classiques et des plats souvent renouvelés « pour ne pas s’ennuyer. »
DE NOUVELLES ALLIANCES TESTÉES AU QUOTIDIEN
Ainsi, les langoustines cèdent-elles la place à un Gravlax d’Omble chevalier, brocolis et ananas Victoria. De nouvelles alliances imaginées et testées au quotidien. « Celle-ci était belle. On est partis là-dessus. » La vinaigrette de brocolis et yaourt à la grecque vient souligner le pavé mariné ; le tout est saupoudré de citron noir séché d’Iran. Aromatique et très acide. Subtil et fondant en diable. Servie juste avant, la crémeuse Vichyssoise à la truite saumonée de l’Isère, petite soupe froide, est un ravissement qu’accompagne un Auxey Duresses, 1er cru des Ecusseaux, aux notes exotiques, beurrées et toastées.
DES FLEURS DE CIBOULETTE POUR SUBLIMER LE DRESSAGE
L’expérience gustative se poursuit lorsque le consommé de canard est versé sur un foie gras poêlée et ses crevettes grises. Ce terre-mer là vous embarque. Loin. Associé à un Commandaria Saint Barnabas, vin Chypriote d’une incomparable singularité. Rien que pour son ail noir de la Drôme, divinement balsamique, la timbale de gambas est à s’offrir : justes poêlées pour la texture, ennoblies façon Dubarry par les sommités cuisinées du choux fleur et comme souffletées par l’insolence du pamplemousse. Une quenelle de glace au choux fleur vient sublimer le dressage : du jamais goûté. Exquis !
ON A FAIT ÉVOLUER LA MAISON DE BELLE MANIÈRE
A 40 ans, David Delsart trace sa route. Celle prise à 16 ans, dans le petit restaurant de banlieue où il débute son apprentissage. « On m’a donné de l’importance, m’a permis de toucher à tout : ça a été le déclencheur. » Il termine sa formation à l’Hôtel Vernet, 2 étoiles, auprès d’Alain Solivérès, un élève de Ducasse. « Un lieu magnifique! C’était dingue pour moi qui arrivais de banlieue. Mes deux plus belles années en cuisine. » Avec simplicité, il témoigne d’un « parcours classique des gens qui rentrent dans le milieu des étoilés et qui adorent leur métier» : le Georges V à Paris, puis Lyon, avec Philippe Gauvreau, à la Rotonde où il rencontre Davy Tissot, le Meurice avec Yannick Alleno, – à la viande, le graal, en cuisine –, après un passage auprès de son ami Nicolas Sale, au Hyatt Madeleine. En 2004, il rejoint Davy Tissot à la Villa Florentine. Il en sera le bras droit jusqu’en 2015. « Ensemble, on a fait évoluer la maison de belle manière. » Prendre la suite, comme une évidence. Pour tous. David Delsart se démarque, conforte son style managérial, son amour de la cuisine au cœur de ses équipes. Si sa mission le passionne et l’accapare, sa priorité va pourtant sans conteste à Charlotte, son épouse et leurs enfants. Au calme, dans leur Ouest-lyonnais. « On est tellement dans le tumulte toute la journée … Les moments pour se poser, on en a besoin. »