Présentateur Tv pour certains, éditeur de livres à succès pour d’autres, Cyril Lignac est avant tout cuisinier. Après avoir invité les français à se mettre aux fourneaux, c’est dans les cuisines de son restaurant le Quinzième, qu’il nous donne rendez-vous. Aussi belle que bonne, sa cuisine est le reflet de ses envies avec toujours une pointe de gourmandise.

LA SOIF D’APPRENDRE

A 36 ans, Cyril Lignac se considère encore comme un grand enfant. Avide d’apprentissage et de découverte, il ne perd jamais une occasion de rassasier ses fringales intellectuelles. Si tel est le cas aujourd’hui, le jeune homme n’a pas toujours enfilé la veste de premier de la classe. Plus souvent en queue de peloton qu’en tête de file, son intérêt s’est plus rapidement concentré sur les terrains de football que sur les bancs de l’école. De son père menuisier et de sa mère infirmière, il gardera d’eux le côté manuel et généreux qui le conduira sans doute, inconsciemment au métier de cuisinier. Originaire de l’Aveyron, Cyril découvre les richesses de sa région durant les repas de famille : bœuf de l’Aubrac, Aligot, Roquefort, agneau Laiton, œufs fermiers marqueront son palais et ses préférences pour les bons produits. Témoin de la convivialité de ces repas, Cyril comprendra alors la relation entre cuisine et plaisir. « Je suis devenu cuisinier car j’ai compris qu’à travers la cuisine, je pouvais donner du bonheur aux gens. Lorsque mes parents cuisinaient pour leurs invités, je décelais une sorte de bienveillance dans le regard de nos amis, comme un remerciement d’être là ». A 16 ans, il rentre donc au lycée hôtelier pour y apprendre la cuisine pendant deux ans, puis poursuivra par un CAP de pâtissier-chocolatier, un choix qui sera marqué par le côté gourmand de l’élève, « j’avais envie de savoir faire des gâteaux, des croissants, c’était plus fort que moi ».

 

« Je suis devenu cuisinier car j’ai compris qu’à travers la cuisine, je pouvais donner du bonheur aux gens. »

 

 

Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac
Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac
© Matthieu Cellard

C’EST EN FORGEANT QUE L’ON DEVIENT FORGERON

Ses premiers pas dans l’univers de la gastronomie, Cyril ne les fera pas dans une grande maison mais grâce à un magazine, « tout va basculer le jour où j’ouvre un Thuriès Magazine. J’y découvre alors la cuisine de Nicole Fagegaltier (restaurant du Vieux Pont* à Belcastel) situé à 30 km de chez moi. Et je me dis, mais ce n’est pas ça que j’ai appris à l’école en fait ». Billet de 500 francs en poche, Cyril décide alors de venir y dîner avec un ami un 25 décembre. Ce sera une véritable révélation pour l’aveyronnais qui appellera la chef dès le lendemain pour lui demander un apprentissage. Au bagou, il décroche son ticket d’entrée dans une cuisine qui l’impressionne De ses 27 mois d’apprentissage, il retiendra l’émotion plus que la technique, « j’ai appris la cuisine avec des femmes, ce qui explique notre complicité fusionnelle avec Aude (ndlr : Aude Rambour, chef exécutif du Quinzième) et le côté émotionnel de mes recettes ». Très vite les expériences dans les grandes maisons s’enchaînent. Paris, Cyril Lignac débarque chez Alain Passard. Là-bas, il y apprendra la rigueur et l’art de la débrouille. « Je me souviens encore des petits pains à refaire car les bulles d’air y étaient trop nombreuses et de ce fameux cristallisé au Whisky pour lequel je me glissais dans la chambre froide, plateau porté à bout de bras, afin que la préparation puisse durcir à la bonne température. Une vraie galère ! Un jour, le chef m’a surpris dans cette position, je n’avais pas l’air idiot ! De grands moments dont je me souviendrais toute ma vie. » Il partira ensuite chez Les Frères Pourcel à la Maison Blanche, Pierre Hermé et la Grande Cascade (Paris 16ème) avant d’enfiler son premier costume de chef pâtissier au restaurant La Suite, avenue Georges V. « Changement de style total, j’avais 25 ans, 150 couverts à gérer, des afters-show et sans cesse des demandes spéciales. Il fallait avoir le sens de la démerde, réaliser un cocktail pour les Rolling Stones, cuisiner au côté de Mick Jagger, c’était irréel pour moi. » De ces expériences, surgira l’envie de transmettre à son tour, pour rendre accessibles les arts de la table.

Cyril est tout autant passionné qu’impatient. Lorsqu’il a une idée en tête, il met tout en œuvre pour y arriver. Comme on dit, les petites rivières font les grands ruisseaux.
Aude Rambour, chef exécutif du Quinzième
Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac
Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac
© Matthieu Cellard
Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac
Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac
© Matthieu Cellard

DE LA FOURCHE A L’ASSIETTE

Asperges de Soustons, Roquefort fermier de chez Delphine Carles, fraises des bois des Alluets-le-Roi, Comté de chez Marcel Petit, ils sont tous là pour nous rappeler que derrière chaque produit, il y a le travail d’un producteur, « Au-delà du fait que ce soit bon, il faut que la cuisine ait une éthique ». Volaille de la cour d’Armoise, artichauts tournés ; escalope de foie gras des Landes, feuilles de Tatsoï, condiment citron-gingembre ; homard breton, crème de homard confite parfumée aux baies de Sechuan, gnocchi au vieux parmesan ; sorbet pamplemousse, crémeux et biscuit nougatine ; ivoire rhubarbe-chocolat blanc,… le chef reste fidèle à lui-même en apportant une petite pointe de « croquant » et de « gourmandise » pour transformer les classiques de la gastronomie française en de véritables chefs-d’œuvre remplis de malice.

Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac-9_MatthieuCellard
Restaurant Le Quinzième Cyril Lignac-9_MatthieuCellard
© Matthieu Cellard
Union à la fois complice et explosive, Aude Rambour  (chef exécutif du Quinzième) et Cyril Lignac donnent le  La dans les cuisines du Quinzième.
Union à la fois complice et explosive, Aude Rambour (chef exécutif du Quinzième) et Cyril Lignac donnent le La dans les cuisines du Quinzième.
© Matthieu Cellard

METAMORPHOSE REUSSIE AU QUINZIEME

C’est ici, dans un quartier calme du quinzième arrondissement, loin du brouhaha parisien et de l’affluence médiatique que Cyril Lignac a posé sa veste et ses couteaux. Ouvert en 2005 dans la continuité de l’émission « Oui Chef ! » – dont l’objectif consistait à monter une brigade avec des personnes en reconversion – le Quinzième s’est véritablement métamorphosé au fil des années pour y présenter la cuisine de ses envies. D’un restau moderne et contemporain aux allures de bistrot, on se retrouve dans une maison habitée par tous ceux qui, chaque jour, avancent main dans la main pour aller toujours plus loin. Fauteuils en cuir anthracite, banquettes ambrées, lustres en corne et petits carrés de mosaïque italienne noire recouvrent les murs et créent un cocon chaleureux et intimiste. Emplacement privilégié du restaurant, la table d’hôte dispose, à travers une vitre insonorisée, d’une vue de premier plan sur l’effervescence de la cuisine. Un spectacle qu’on ne se lasse pas de regarder.