Derrière la porte cochère, le restaurant se révèle dans un Atelier entièrement repensé en 2023. Habillée de claustras de bois aux encoches cosy, la salle accueille trente-six couverts. La cuisine ouverte donne à voir le ballet silencieux d’une brigade concentrée. « Par moments, on a comme une danse ; pas de communication superflue, juste celle des corps, » explique Thomas Belval-Sanna, chef exécutif de l’Atelier depuis son retour en 2022. Fluide, beau et soutenu, jusque dans l’assiette. Telle est la quête de Thomas : une cuisine de profondeur du goût, dans la beauté du geste et à la recherche de justesse pointue dans les assaisonnements. Une cuisine « d’essences de goût et de vivacité » découverte au Bonbon **, auprès du chef Ardiquest, à Bruxelles.

© Jonathan Thévenet

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TRAVAILLER AVEC SON TERROIR
Aux Augustins, le végétal est central. L’eau de concombre infusée à la citronnelle et à la feuille de figuier, et le fagotin d’herbes, véritable ADN de l’Atelier, à tremper dans une huile de laurier et citron donnent le ton. Ici, on cuisine ce qu’offre le terroir dans un rayon de 200 km. « Dans la région il y a tout », souligne le chef, y compris les gingembre, hibiscus, galanga, cacahuètes, et pour les produits plus difficiles à trouver, « on a des stratagèmes : poudre de caroube, poissons fermentés, séchés pour faire des misos, saké kazu de Grégoire Bœuf à Pélussin », comme autant de subterfuges naturels « pour retrouver saveurs exotiques, belles longueurs en bouche et des salinités marines magnifiques avec des produits locaux. »
EST-CE QUE VOUS VOULEZ L’ÉTOILE, UN JOUR ?
Sa passion pour la cuisine, Thomas Belval-Sanna la doit à sa Nonna sarde « la meilleure cuisinière du monde. » Le lyonnais de 27 ans a passé son BAC pro à Saint Chamond, en internat, avait dit papa Belval, restaurateur à Lyon. « Je pense que j’épluche des pommes de terre depuis que j’ai trois ans », plaisante-t-il. Deux ans à Clairefontaine*, chez Philippe Girardon, puis un chez le MOF** Franck Putelat à Carcassone, et c’est la rencontre avec Nicolas Guilloton. « Au début, à l’Atelier, on était quatre.» Aujourd’hui, ils sont sept en cuisine. Avant même les travaux d’agrandissement, Thomas l’avait déjà cette ambition : décrocher l’étoile pour l’Atelier. « Il y a six ans, j’avais demandé à Nicolas : est-ce que vous voulez l’étoile, un jour ? » Et du haut de ses 21 ans, Thomas lui avait assuré : « ok, je l’aurai ». À son retour à l’Atelier, la cuisine du jeune chef a pris de la maturité, gagné en complexité, en subtilité. « Thomas est meilleur que moi, aujourd’hui, du coup, je le laisse faire », intervient Nicolas Guilloton. Comme une évidence, pour celui qui désormais soigne ses clients en salle, gère l’entreprise et savoure de garnir sa cave.
SE LAISSER SURPRENDRE
Heureuse courgette farcie en elle-même, caramel de tomate, bourrache, fleur de coriandre, rôtie comme une viande et son bouillon pour débuter en douceur. La tomate qui suit, c’est le « grand huit ». Intensité des goûts, soulignée par la tagète et le mélilot, concentration des arômes, appuyés par une vinaigrette intense et un sorbet tomate céleri basilic tulsi. Le clou de cette salade de tomates hors normes : un pain brioché maison à la tomate pour « saucer ». Délectation

© Jonathan Thévenet

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FRAÎCHEUR ET PROFONDEUR
« On calme le jeu pour accompagner la suite », précise Nathan Rozek, charmant directeur de salle. Sous l’émulsion sureau, verveine et menthe poivrée, le mocktail fraise oignon sureau, issu de savantes et patientes extractions ou infusions vient souligner l’omble chevalier. Suavité de la chair cuite à la perfection, ragoût de petits pois fumés, fraise et une sauce, résultat d’un assemblage recherché. Le chef joue avec nos sens. « La longueur en bouche, c’est la chose la plus importante dans une dégustation. Si trois secondes après ta dernière bouchée, tu l’as oubliée, c’est raté.» La perfection se niche aussi dans l’équilibre du menu qui alterne plat plus « facile », plus complexe ou réconfortant. « Jusqu’à la mignardise, tout est réfléchi », vient confirmer Nicolas Guilloton.
PUISSANT ET DOUX À LA FOIS
Nouvel ascenseur émotionnel dans un menu « Surprise » en accords mets et Champagnes. La belle sophistication de la cuvée « Sept crus » de Pascal Agrappa promet un parfait « jeu de ping-pong » avec le ris de veau, cuit en tempura, que fouette une sauce au jus de perche. Un terre-mer puissant et doux à la texture parfaite. « Ne pas rester dans sa zone de confort, sinon, on s’endort », assure Thomas Belval-Sana. Si l’étoile a apporté « une stabilité de fou » en termes de fréquentation, l’objectif est bien de la garder, en innovant toujours. Et l’équipe est là, solide, derrière lui. En pâtisserie aussi. Célébration élaborée des fruits rouges en cette fin d’été, avec une coupe vigneronne du Beaujolais : baies macérées, granité au vin rouge, glace au cassis. Puissante fraîcheur. Puis l’audacieuse douceur d’un second dessert autour du miel et du safran, lové dans une fi ne gavotte croquante, glace au miel de châtaigner, sublimé par une petite vinaigrette miel, safran et huile d’olive. Subtile alliance de saveurs qu’accompagne un Chignin Bergeron de chez Louis Magnat aux arômes de miel. Pour se laisser surprendre, jusqu’au bout.