Sur l’île Barbe, les pierres racontent une histoire qui remonterait aux Celtes. L’Auberge a fait son emblème du symbole marin découvert dans la chapelle, redesigné par Alain Vavro. Passée la massive porte rouge, la gentillesse du personnel le dispute au raffinement des lieux. « Je veux accueillir mes clients comme un aubergiste, mais très moderne, avec gentillesse et simplicité et un niveau 3 étoiles. Etre l’aubergiste du 21ème siècle. »

UNE CUISINE ENTRE TRADITION ET CRÉATION
En 91, le cuisinier de 26 ans qui parfait alors sa formation auprès des plus grands chefs, est attendu chez Alain Passard à Paris. « Continuer la cuisine de mon père, ça m’intéressait moyennement, explique-t-il. Mais il est malade. Je suis revenu et ne suis jamais reparti. » Jean-Christophe Ansanay-Alex va faire de l’Auberge une table très prisée. Une 1ère étoile arrive en 93. La seconde, en 2002, brille pendant 12 ans. Sa cuisine plaît. L’Auberge compte parmi les Grandes Tables du Monde. Jean-Christophe Ansanay-Alex revendique « une cuisine simple, mais pas simpliste, et contemporaine ». A l’instar de son Saumon et radis noir : le fondant du poisson, à peine fumé au foin, servi tiède, marié à l’onctuosité de la crème fouettée au raifort et au croquant du serpentin de radis noir, à peine sué. « C’est chez Didier Clément que j’ai eu le déclic. Il avait une vraie réflexion sur son art qui m’a ouvert un champ des possibles monstrueux ». Dans son cahier, le soir, le jeune cuisinier crée une foule de recettes qu’il utilise encore. « La manière dont j’appréhende le saumon aujourd’hui est beaucoup plus moderne, plus aboutie. J’aime travailler le poisson ; on peut oser davantage. Avec la viande, on est obligé d’être un poil plus classique. » Pourtant, son Cochon fermier du Cantal en croute de sel dément l’assertion. Ce mignon-là, cuit dans sa crèche, réjoui de gnocchis de pomme de terre, de lentins de chêne et châtaignes, servi avec un Château Magence Graves 2008, c’est assurément le bonheur sur terre. Le ciel, on l’atteint avec l’Incontournable Velouté de Cèpes ‘comme un Cappuccino’ aux vapeurs de Foie Gras, plat signature du Chef.

Jean-Christophe Ansanay-Alex, Chef étoilé michelin du restaurant Auberge de lîle Barbe à Lyon.

FAIRE BIEN TOUS LES JOURS
Son processus de création passe par l’image du produit ; il en éprouve le goût, le parfum, agrège mentalement les ingrédients, met à l’épreuve les associations, la consistance, les effets de température. « Je fais rarement plus de trois associations dans une assiette. Je ne veux pas perdre la saveur initiale. » Les saisons rythment les changements de la carte. La concertation avec ses fournisseurs aussi, sur les produits du moment, « si possible un peu spéciaux, pour essayer de ne pas faire comme tout le monde. »

Jean-Christophe Ansanay-Alex, Chef étoilé michelin du restaurant Auberge de lîle Barbe à Lyon.

L’IMPORTANT, C’EST DE BIEN EMPLOYER CHAQUE JOUR
La cinquantaine sereine, élégant en ascott de soie glissée sous son tablier, Jean-Christophe Ansanay-Alex se raconte. « A 35 ans, on a envie d’exploser ! 2 étoiles, un restaurant qui marche bien … C’est là que je veux faire Londres ! » Il ouvre L’Ambassade de l’Île à Londres en 2008. Le jeune Français, élu chef de l’année, affole la ville-monde et décroche une étoile au Michelin au bout de 5 mois… Crise et divergences de vue avec son associé condamnent l’établissement. L’expérience est difficile mais enrichissante. L’Impérial Palace à Annecy lui confie alors ses cuisines. Un stress énorme à gérer en plus de l’Auberge. « Finalement, je trouve que je réussis mieux les choses à 50 ans qu’à 40. »

Jean-Christophe Ansanay-Alex, Chef étoilé michelin du restaurant Auberge de lîle Barbe à Lyon.

AUJOURD’HUI, JE VEUX PARFAIRE LES DÉTAILS
Le gentleman aubergiste s’est recentré sur l’essentiel. « J’ai vécu plein de choses, je ne veux garder que le fondamental ». En 2016, il repense le mobilier et la décoration des salles. Le cuir blanc qui gaine les tables ovales, les piètements métalliques apportent de la lumière. A l’étage, le salon Lionel Stocard, le salon Havane et l’unique Suite sont d’une élégance sobre et chaleureuse. « La vie est faite de détails, notre travail est fait de détails. Aujourd’hui, je veux parfaire ces détails », explique-t-il. La vaisselle siglée en fait partie. Les amuse-bouche, mets régionaux revisités, les mignardises comme des bonbons en verre de Murano, les exquises guimauves servies avec le café aussi, et surtout le Grand dessert exotique, un velours fin et subtil mêlant citron vert, fruit de la passion, bananes flambées et chantilly citronnelle. Du soleil en bouche, celui d’une île … un peu plus au sud !