PREMIÈRE RENCONTRE
« Ma première rencontre avec Paul Bocuse remonte à 1989. Un souvenir profondément ancré dans ma mémoire, je n’oublierais jamais ! J’officiais alors à l’Auberge de l’Ill, aux côtés de Marc Haeberlin. Pour la petite anecdote, le restaurant vendait des pots de confiture à l’effigie de Paul Bocuse, nous avions son visage quotidiennement sous les yeux ! Un jour, il était vraiment là devant nous, en chair et en os. Un charisme et une aura incroyable se dégageaient de lui… laissant tous les commis sans voix. Il a eu un regard et une attention pour chacun de nous, une main sur l’épaule et un affectueux « salut petit ! ». »

Christophe Muller, chef de cuisine de l'auberge du Pont de Collonges, Paul Bocuse a Collonges au Mont d'or dans le rhône

DU RÊVE À LA RÉALITÉ
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu envie de rejoindre la brigade de Collonges. Plus qu’une envie c’était même un rêve de gosse, hérité de mon grand-père, lui aussi cuisinier et admiratif de Paul Bocuse. A 17 ans, j’ai mis les pieds dans les cuisines de Collonges pour la première fois en tant que commis, je suis resté en poste pendant deux ans. Puis j’ai eu envie d’aller vers de nouveaux challenges, de nouveaux horizons. Il faut dire qu’à l’époque l’apprentissage se faisait à l’ancienne et à la dure. Malgré cela, pendant toutes ces années, une part de moi regrettait de ne plus y être. Je ne saurais vraiment l’expliquer mais l’âme de la maison vous marque à tout jamais. Lors du réveillon de Noël 1994, des amis me demandent quel est mon rêve. Sans hésiter je réponds « retourner bosser chez Paul Bocuse ». Etant donné mes deux années difficiles là-bas, ils m’ont pris pour un fou ! Comme le destin fait bien les choses, à peine un mois plus tard, j’ai reçu un coup de téléphone de Roger Jaloux, Jean Fleury et Paul Bocuse, ils me proposaient une place de sous-chef. Jamais je n’aurais osé espérer ça ! Autant vous dire que je n’ai pas hésité une seconde. Ni une ni deux, j’ai tout quitté pour revenir. En tout cas, après toutes ces années, le rêve reste intact. »

Christophe Muller, chef de cuisine de l'auberge du Pont de Collonges, Paul Bocuse a Collonges au Mont d'or dans le rhône

FAMILLE DE COEUR
« On dit toujours que Paul Bocuse est le père des cuisiniers. Je le considère d’ailleurs un peu comme mon grand-père. Parce qu’ici je n’ai pas seulement trouvé un travail, j’ai trouvé une seconde famille, celle du cœur… L’un de mes moments préférés c’est notre petit rituel du dernier jour de la semaine. Monsieur Paul tient à manger avec ses chefs tous les dimanches ! Autre plaisir, et pas des moindres, lui préparer à manger tous les jours. Tout est réglé comme du papier à musique : déjeuner à 11h et dîner à 18h30. Dans l’assiette jamais de chichi, uniquement des choses simples. Par exemple hier au menu c’était gougères en entrée, un bon gigot fondant ensuite, et une coupe Pavarotti pour finir. »

Christophe Muller, chef de cuisine de l'auberge du Pont de Collonges, Paul Bocuse a Collonges au Mont d'or dans le rhône

APPORTER SA PIERRE À L’ÉDIFICE
« Je n’ai jamais autant appris qu’aux côtés de monsieur Paul. Il m’a souvent répété « Tu sais Christophe, lorsque tu crois avoir tout réussi, c’est que tu as tout loupé ! » Plus jeune, je ne saisissais pas bien le sens de cette phrase. Aujourd’hui, je comprends qu’il m’a poussé à me dépasser et à ne jamais m’endormir sur mes acquis. La cuisine c’est une remise en question perpétuelle, une évolution de tous les instants, sans tout révolutionner. Monsieur Paul aime aussi à dire  » mon plus grand changement, c’est de n’avoir rien changé ! « . Ceci étant, lorsque je suis revenu à Collonges en tant que souschef, il était important pour moi d’apporter quelques améliorations. Je voulais plus de bienveillance et de partage en cuisine. Avec la brigade nous avons également travaillé pour affiner certaines techniques comme la cuisson des soufflés. Mais une chose reste immuable, la base d’une bonne recette repose sur trois choses essentielles : le produit, la juste cuisson et un assaisonnement équilibré. En résumé, faire simple, mais le faire bien. Et croyez-moi c’est loin d’être facile ! Ce n’est pas pour rien que la citation de Van Gogh est affichée sur la carte : comme il est difficile d’être simple. »

Christophe Muller, chef de cuisine de l'auberge du Pont de Collonges, Paul Bocuse a Collonges au Mont d'or dans le rhône

TRANSMETTRE ET PERPÉTUER L’HISTOIRE
« Il y a quelques temps, le journal Le Progrès titrait  » Christophe Muller, les mains de Paul Bocuse « . Oui, mais pas seulement. Souvent, je réfléchis et j’essaye de me mettre à la place de monsieur Paul. Comment est-ce qu’il ferait telle recette, comment il voudrait que cela soit servi… « J’ai une mission, celle de perpétuer et de faire vivre l’esprit Bocuse, au  restaurant gastronomique comme dans les brasseries et divers établissements du groupe. » Figurez-vous que certains clients viennent et reviennent chez nous et dégustent le même menu depuis 50 ans ! La soupe VGE, les filets de sole, le loup en croûte, peu de cuisiniers peuvent se targuer d’avoir un répertoire aussi connu dans le monde entier. Je n’ai jamais eu envie de monter ma propre affaire, parce que officier depuis toutes ces années aux côtés de monsieur Paul c’est une formidable aventure. Sa confiance a bien plus de valeur à mes yeux que d’avoir mon nom sur la devanture d’un restaurant. »