Lundi 1er février 2016. Ce matin, tout le gastrocosme parisien s’était donné rendez-vous Place Vendôme pour assister à la 107ème sélection du Guide Rouge. Bien plus qu’une présentation protocolaire, cette année les quelques trois cent invités triés sur le volet ont eu le droit à un véritable show à l’américaine. Lumières tamisées, musique façon blockbuster et trailer humoristique précèdent le discours du directeur général des guides Michelin, Michael Ellis.
LES NOUVEAUTÉS 2016
Parmi les grandes nouveautés de cette édition 2016, on notera la dénomination des restaurants par de nouveaux mots clés tels que « créatif, moderne, classique, japonais… », qui permettent aux lecteurs de repérer plus facilement la cuisine qui leur correspond.
Aux côtés des Bibs, des fourchettes et des étoiles figure aussi désormais une nouvelle classification, l’Assiette Michelin, qui fait référence à une « cuisine de qualité ». Ce sont ainsi 3092 restaurants sur les 4347 que compte le guide qui ont été distingués par ce nouveau logo.
LE VERDICT, CA DONNE QUOI ?
Venons-en aux faits, à qui Bibendum a-t-il distribué et retiré ses étoiles ? Avec 52 nouveaux restaurants étoilés –soit 6 de plus que l’année dernière, on ne pourra pas dire que le guide aura été pingre. Lors de son discours, Michael Ellis souligne trois nouvelles tendances cette année à commencer par un mouvement de modernité qui gagne de plus en plus de maisons. Sensible au développement durable, de plus en plus de chefs affirment leur parti pris locavore. Oui aux bons produits mais c’est encore mieux lorsqu’ils viennent de chez Claudette, la voisine ! Enfin, Paris continu d’être un véritable moteur pour la gastronomie française en regroupant près d’un tiers des nouveaux restaurants figurants dans le guide.
1*, 42 NOUVELLES ADRESSES
Au nombre de 492, les restaurants une étoile accueillent cette année 42 nouveaux venus. Parmi les régions les plus actives, l’Ile-de-France arrive en tête du chart avec sept nouvelles étoiles. Très attendus, l’Hexagone de Mathieu Pacaud, le Lucas Carton de Julien Dumas, et Saturne de Sven Chartier figurent parmi les lauréats. Toujours présente, la vague nipponne continue de gagner du terrain avec trois nouveaux étoilés qui ont fait leur classe dans de grandes maisons françaises. On notera le restaurant Neige d’Eté du chef Hideki Nishi, Pages de Ryuji Teshima ou encore celui du chef Nakatani. Dans la capitale des Gaules, la mondialisation aussi à la cote avec le premier restaurant coréen, le Passe-Temps, tenu par Younghoon Lee. Dans le reste de la France, la jeune génération est là et elle le fait savoir. Agé de 23 à peine, Angelo Ferrigno (La Maison des Cariatides à Dijon) nous montre que la jeunesse n’est pas un frein pour décrocher les étoiles. Au contraire, il semblerait qu’elle donne des ailes.
2*, PARIS VS PROVINCE, FIFTY/FIFTY
Exceptionnellement riche, la sélection des 2* étoiles se la joue 50/50. Cinq en province et cinq à Paris, comme ça pas de jaloux ! Région de la choucroute et des Bretzels, l’Alsace nous montre qu’elle sait aussi faire de la gastronomie avec 2×2 nouvelles étoiles au compteur avec Jean-Yves Schillinger (JY’S) et Jean-Georges Klein parti de l’Arnsbourg pour l’historique Villa René Lalique (Wingen-sur-Moder). A Megève, Julien Gatillon (le 1920) et Nicolas Decerchi (Paloma) à Mougins décrochent également deux étoiles. A Bordeaux, le verdict était indécis jusqu’au derniers instants avec finalement deux étoiles aussi pour Joël Robuchon à La Grande Maison, ouverte depuis décembre 2014. Malgré le passage de l’Atelier de Joël Robuchon-Etoile de deux à une étoile, le chef poitevin reste le plus étoilé au monde.
Loin de sortir de la cuisse de Jupiter, les cinq lauréats parisiens étaient attendus au tournant à commencer par Jean-François Piège qui cinq mois après l’ouverture de son Grand Restaurant remporte les faveurs du Guide Rouge. Une suite logique pour le chef quarantenaire qui n’a jamais caché son objectif de gravir les étoiles. Quant à l’ancien QG du chef situé rue Saint-Dominique et repris par le talentueux Sylvestre Wahid (Le Sylvestre), il écope lui aussi de deux étoiles au compteur. La boucle est bouclée. Au Shangri-Là, Christophe Moret fait lui aussi monter le palace dans les hautes sphères. Une arrivée réussie pour l’ancien chef du restaurant Lasserre. Un an après son ouverture, La Réserve sort de sa réserve avec le chef Jérôme Banctel. Enfin, Mathieu Pacaud décroche un triplé avec deux autres étoiles pour son restaurant Histoires.
2*3 ÉTOILES 100 % PARISIENNES
Sur la plus haute marche du podium, deux chefs obtiennent le saint-graal et portent le nombre de restaurants trois étoiles à vingt-six. Ayant tous deux déjà obtenus trois étoiles par le passé, étant tous deux chefs de grands palaces parisiens, 450 mètres les sépare l’un de l’autre. D’un côté, le discret Christian Le Squer à la tête du Four Seasons George V depuis un peu plus d’un an qui exerce son art avec un souci du détail permanent. Dans un décor à l’inspiration versaillaise, il dégaine les armes de la grande cuisine française souligne ainsi Michael Ellis, « dégustée dans un somptueux décor inspiré du Grand Trianon, chaque assiette de Christian le Squer est une véritable œuvre d’art, exemple éclatant de ce que la gastronomie française propose de meilleur.»
Avenue Montaigne, l’audace a fini par payer pour Alain Ducasse – et son chef exécutif Romain Meder – qui redonne au Plaza Athénée ses trois étoiles perdues suite à la rénovation de l’établissement il y a un an et demi. Avec son pari de faire une cuisine saine, avec « moins de sel, moins de gras et moins de sucre », le chef gascon a réussi à convaincre que la Naturalité était plus qu’un concept. Légère, gouteuse et moderne, elle s’inscrit dans la cuisine de demain, plus responsable et écologique. Ravi de cette nouvelle distinction, le chef huit fois trois étoiles souligne sa joie à sa manière en disant, « je me plais à dire que l’on peut vivre sans étoiles mais c’est tout de même mieux avec ». Si la moisson a été bonne pour le palace de l’Avenue Montaigne, en revanche, pour Le Meurice, c’est la soupe à la grimace pour le palace qui passe de trois à deux étoiles. Un changement expliqué par le départ de Christophe Saintagne et l’arrivée prochaine de Jocelyn Herland, ancien chef exécutif du restaurant The Dorchester Alain Ducasse. A noter également que le chef perd une autre étoile pour son restaurant de poisson, le Rech (Paris 17).
DONNER C’EST DONNER, REPRENDRE C’EST VOLER !
Derrière son élan de générosité, le guide Michelin a aussi serré les vices. Entre les chefs qui ont la bougeotte, les fermetures et les déclassements, ce ne sont pas moins de 67 étoiles qui ont été retirées. Seize ans après le décès de son chef emblématique, le Relais Bernard Loiseau perd sa troisième étoile. Une nouvelle difficile à accepter pour sa femme Dominique Loiseau et directrice du groupe éponyme qui compte bien relever les manches pour récupérer cette étoile filante, « avec l’équipe du Relais Bernard Loiseau, nous allons tout mettre en œuvre, toute notre énergie, pour récupérer cette étoile ! C’est notre challenge pour 2016 », a-t-elle déclaré dans un communiqué. A Courchevel, La Table du Kilimandjaro et Le Kintessence redescendent chacun à une étoile après le départ de leur chef Nicolas Sale pour le Ritz Paris qui prépare sa réouverture pour le mois de juin 2016. A Paris, même sentence pour le restaurant gastronomique du chef Akrame Benallal. A Versailles, Gordon Ramsay perd lui aussi sa deuxième étoile. La faute, peut-être, a un trop grand nombre de restaurants dans le monde entier. En effet, difficile de se dédoubler pour être derrière les fourneaux tous les soirs !
LES OUBLIÉS DU GUIDE ROUGE
Comme chaque année, certains chefs attendus n’étaient pas au rendez-vous. Premières oubliées, les femmes qui font chou blanc dans cette nouvelle édition. Ni Adeline Grattard du restaurant Yam’Tcha, ni Stéphanie Le Quellec (La Scène) qui étaient chacune pressenties pour une seconde étoile ont eu gain de cause. Enfin, il semblerait que les inspecteurs du guide Michelin n’aient pas trouvé le chemin jusqu’à la Madeleine-sous-Montreuil. Révélé par Omnivore il y a dix ans, le chef de La Grenouillère, Alexandre Gauthier, gravit les échelons petit-à-petit. Malgré son titre de Cuisinier de l’Année 2016 et ses 5 toques au Gault & Millau, la mayonnaise ne prend pas avec le Guide Rouge.
EN BREF !
En récompensant, la modernité et la créativité des chefs, le Guide Michelin prend des risques. Généreux, il nous montre aussi qu’il n’hésite pas à reprendre lorsque les règles du jeu ne sont pas respectées. Malgré ses 107 printemps, Bibendum montre qu’il est toujours dans la course.
Guide Michelin 2016
En vente à partir du 5 janvier 2016 -24.90 €