L’enfant du terroir
Ne le dites pas aux plus petits mais Joël Césari joue avec la nourriture et dessine dans les assiettes. La cancoillotte, le poisson, les herbes sauvages, la morille… tout ce qui lui passe entre les mains, finit immanquablement… à la casserole. À 47 ans, le chef originaire de Dole, a fait de son Jura une force bien plus qu’une faiblesse. D’ailleurs lorsqu’on lui pose la sempiternelle question : « alors, la crise ? ». Il prend son plus beau sourire, et à l’aide et de son regard, élégamment souligné par des «bésicles de créateur», il vous répond, amusé, que la crise ne s’est pas risquée à venir jusqu’ici. Et qu’au contraire, il n’a plus un dimanche de libre, alors que c’est l’un de ses rares jours de repos.
En poussant les portes de sa Chaumière, ne vous attendez donc pas à écouter la complainte du restaurateur. Même crevé par une année harassante – la meilleure de toute sa carrière–, Joël Césari a une pêche d’enfer et la communique allègrement. Il est libre Joël, libre de sauter de ses pianos à son hôtel, pour aider un client à porter ses bagages, à passer à table… libre de jouer avec des produits frais le matin pour casser la routine gustative. L’étoile Michelin, obtenue en 2008, lui permet d’être « à l’aise » sans avoir eu d’effet sur son ego. Les pieds restent bien posés dans le sol jurassien. Ce qui a gonflé chez Joël Césari c’est sa cancoillotte qu’il déstructure et liquéfie volontiers pour marier saveurs d’autrefois et matière d’aujourd’hui.
Faire saliver dans sa Chaumière
Son regard anticonformiste ne doit pas occulter le vrai côté bosseur et militant de ce chef attachant : la cuisine, le Jura, tout se mêle dans sa tête et dans l’assiette… Lui, l’enfant du pays, l’ambassadeur même, milite pour une cuisine « simple et insolite ». Ses clients, la plupart des habitués, peuvent même lui demander d’improviser une viande, un poisson. Joël Césari aime faire et se faire plaisir. « Nous sommes là pour défendre le beau et le bon », lance-t-il en guise d’explications. La plupart des plats présents à la carte trouvent leur inspiration dans le terroir. En prenant bien soin de dépoussiérer les plats jugés trop classiques à son goût. Joël Césari évoque alors en fermant les yeux l’idée qu’il se fait du Jura : « le calme, la volupté, la beauté, dit-il. La terre, les hommes, le soleil, poursuit-il les yeux clos… le ski, les herbes folles, les champs, la vigne, le vin, l’homme » On ajouterait en goûtant sa cuisine, la finesse, la joie de vivre. « Le Jura est une région humaine, on s’y sent bien, chez soi ». Comme dans sa Chaumière. Surprenant une clientèle qui n’est plus habituée à apprécier une cuisine longue en bouche. Son objectif ? « Surprendre en sublimant les saveurs du produit ». Mission accomplie chef !
Le style de la maison
C’est une question qui laisse les chefs dubitatifs… ici encore, un long silence s’installe, Joël Césari réfléchit : « quel est mon style finalement ? », puis répond : « les bons produits, une bonne cuisson… le reste, ce n’est que de la littérature ». Stendhal, pas le dernier de la classe en littérature, disait : « le meilleur style est celui qui se fait oublier ». Cet « ambassadeur de la bonne bouffe » n’en oublie pas pour autant que le client est aussi là pour « prendre du plaisir ». Et le Jura n’est pas la seule inspiration du chef qui apprécie tout particulièrement le poisson. « Cuit à basse température », tempère-t-il, maximum 44 degrés, pour garantir son goût et sa texture. C’est loin, très loin de cette cuisine traditionnelle parfois un peu lourde. Il joue alors avec nos émotions, met de la couleur dans nos assiettes : une feuille de moutarde ici, un cresson sauvage là… « j’aime beaucoup travailler l’acidité et l’amertume », comme avec ce canard mariné aux épices servi avec des oignons doux des Cévennes en tempura, un radis noir et arachide caramélisé et des cubes de navet au Campari, « pour retrouver l’orange du canard », indique-t-il. On passe à table ?
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39100 Dole
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