Choucroute, bretzels, Riesling, Gewürztraminer… l’Alsace a bien plus d’un tour dans son sac pour séduire les gastronomes parisiens. Bien loin des clichés qui la définissent et des attrape-touristes, cette région située à l’extrême Est de l’hexagone regorge de petits producteurs et de savoir-faire. C’est ce que le chef étoilé de la Table d’Eugène (Paris 18), Geoffroy Maillard, va rapidement découvrir.
Une entrevue rapide mais intense, voici comment l’on pourrait définir la rencontre entre le chef de cuisine et le vigneron Jean-Michel Deiss à la tête du domaine viticole Marcel Deiss. Bien plus efficace qu’une vidéoconférence, le dialogue se tisse autour des bouteilles envoyées par le vigneron au 18 rue Eugène Sue. Tantôt verticaux, lumineux, chauds, froids, tendus, Geoffroy Maillard leur trouvent en l’espace de deux semaines un « + 1 » à se mettre sous la dent.
De ce repas éphémère, on en retient des associations audacieuses, chatoyantes, malicieuses ou encore robustes en commençant par la cuvée Alsace 2014 au terroir cristallin, vertical et gorgé de fraîcheur. Le tout associé avec un tartare de dorade royale garni d’écailles de daïkon version pickles, d’une réduction au ponzu et d’un condiment au cédrat. Résultat, un ressenti de verger printanier me parcoure l’esprit.
Dégusté à l’aveugle, Rotenberg 2011, La Colline Rouge Grand cru nous fait grimper aux cimes. Gourmand, enrobant, vibrant, séducteur, ce grand charmeur sublime les fabuleuses asperges de Roque-Hautes de Sylvain Erhardt accompagnées de quinoa soufflé, d’oseille, d’oxalys et d’un jus de calamansi explosif qui en volerait presque la vedette à ce diamant des sables.
Nuageux, froid, grisalleux… il pourrait presque s’agir du bulletin météo automnal qui s’abat sur Montmartre ce 11 mai 2016. En concordance avec le mercure, Langenberg 2013, la longue colline Cru d’Alsace surprend par sa vivacité et sa minéralité, presque saline. Un terroir de granite pauvre et maigre qui révèle la rondeur et le crémeux de la crème de chou-fleur, la fermeté du calamar snacké à la plancha, beurre nantais, yuzu, chips de riz noir à l’encre de seiche. Un plat qui fait la signature de cette adresse montmartroise.
Ce tour des abysses continue avec une avalanche de tourteau, émietté, réduit, à mâcher, croquer, saucer, ponctué d’œufs d’esturgeons qui se laissent éclater au premier coup de palais. Sombre, puissant, épais ce vin nous emmène dans les profondeurs de la grande bleue à la rencontre d’un monstre de caractère, Burg 2011, vignoble féodal Cru D’Alsace qui ne se laisse pas dompter par n’importe qui.
Retour sur terre avec des calcaires cuits par un terroir d’origine volcanique. Sauvage et corsé, Burlenberg 2004, Alsace 1er cru fait bondir mon taux de testostérone. Son accord de référence, le pigeon, cuit parfaitement rosé, est accompagné de betterave, d’un jus d’hibiscus et de rhubarbe glacée.
Enfin, cerise sur le gâteau, ce repas à quatre mains se termine avec le très fort caractère d’un grand vin blanc de gastronomie, le Grand cru Mambourg 2012 à la fois glissant et rugueux. Un contraste qui fait de lui un vin d’une complexité parfois excessive qui s’accompagne aussi bien avec une volaille de Bresse à la crème qu’un dessert composé de chocolat Dulcey, d’un caramel morille, de cacao fruits secs et d’une crème glacée à la flouve.
Vous l’aurez donc compris, au Domaine Marcel Deiss, chaque grand cru est élaboré comme un grand plat.