Vendredi 18 mars 2016. En cette veille de printemps, c’est à Paris, dans son restaurant La Dame de Pic (Paris 1er), qu’Anne Sophie Pic nous reçoit le temps d’un déjeuner à faire grimacer nos papilles -sur le thème de l’amertume. Cerise sur le gâteau, c’est sereine et amusée qu’elle se prête au jeu du micro. Cinq questions en cinq minutes chrono, le challenge est relevé, pas d’amertume à avoir.

Rebelle et parfois même tranchante, Anne-Sophie pic s'est lancé un nouveau challenge, dompter l'amertume_© Jean-François Mallet

Rebelle et parfois même tranchante, Anne-Sophie Pic s’est lancée un nouveau challenge, dompter l’amertume_© Jean-François Mallet

A&G : Bonjour à toutes et à tous, je suis aujourd’hui au restaurant La Dame de Pic (Paris 01) en compagnie d’Anne-Sophie Pic, bonjour Anne-Sophie,

Anne-Sophie Pic : Bonjour Clémence,

A la fois sage, stratège artiste et artisan, doit-on voir une similitude entre vous et la dame de Pic qui fait référence à la déesse grecque Athéna ?

Je ne sais pas, c’est difficile de se situer par rapport à un personnage car chacun est unique. Stratège je ne sais pas, mais en tout cas, sincère. Difficile de parler de soi franchement.

En tout cas, on peut déjà confirmer artiste et artisan ?

Oui, j’aime bien ces deux mots, ils ont une réelle signification qui est complémentaire au-delà de leur terminologie que l’on aime tous. Ils ont une signification très particulière.

Si je vous dis, endives, asperges, feuilles de camomilles, vous me dites ?

Amertume…

Vous travaillez en ce moment l’amertume, cette saveur qui, finalement, est assez délicate à aborder. Quel est votre secret pour ne pas faire la soupe à la grimace ?

Pour qu’elle devienne intéressante, l’amertume doit être associée. Elle donne une profondeur de goût, une complémentarité avec d’autres saveurs. Seule, elle peut être agressive mais si elle est « lissée », elle va amener le goût et la rétro-olfaction beaucoup plus loin que l’acidité ou que d’autres saveurs plus faciles comme le sucré, mais en tout cas, je pense qu’elle m’est nécessaire et indispensable en cuisine.

Quel ingrédient amer aimez-vous travailler ?

Aujourd’hui la livèche reste pour moi un émerveillement gustatif à tout instant par sa complexité aromatique déjà, même intrinsèquement, et se rapproche d’autres saveurs que l’on définit avec d’autres ingrédients tel que l’immortel curry. Elle est intéressante car elle n’est pas forcément connue de tous et elle se rapproche finalement d’ingrédients qui nous sont plus familiers. Elle est finalement pleines de surprises à elle toute seule.

Aujourd’hui, vous êtes toujours la seule femme cheffe française triplement étoilée (on pourrait dire quadruplement avec La Dame de Pic), vous ne vous sentez pas un peu seule ?

La compagnie ne me fait pas peur, au contraire ! Je pense que plus on est nombreuses, mieux c’est. En tout cas, aujourd’hui, je suis très heureuse de m’apercevoir que d’autres femmes arrivent dans la cuisine et puissent bénéficier d’une reconnaissance dans ce métier si particulier. Pour ma part, je sais quel est la valeur des femmes en cuisine, après est-ce que les hommes la connaissent réellement ?

C’est plus sur ce point qu’il va falloir travailler finalement…

Après avoir été marraine de la Fête de la Gastronomie en 2015, vous nous avez également emmenés au 7ème ciel en cuisinant pour les classes affaires Air France, que peut-on vous souhaiter pour 2016 ?

De continuer à m’épanouir, de transmettre, de trouver le bon équilibre dans ma vie de cuisinière, de femme, de mère. Finalement, mon métier c’est ça, toujours trouver la bonne harmonie qui puisse permettre de transmettre la bonne émotion. Rester dans la sincérité et la curiosité me paraît nécessaire.

Merci beaucoup Anne-Sophie Pic.

Merci à vous.

Retrouvez l’interview d’Anne-Sophie Pic en live :