Si son nom ne vous dit rien, c’est parce qu’il œuvre loin du raffut parisien. Artisan chocolatier-pâtissier, Sébastien Bouillet émerveille les Lyonnais avec ses boutiques belles à croquer. Des goûters au chocolat, en passant par la pâtisserie, impossible de résister.

Allure athlétique, baskets aux pieds, on l’imagine volontiers sportif de haut niveau. à 37 ans, Sébastien Bouillet ne manque pas de vivacité, à l’image de sa tarte au citron dont les gourmets raffolent. D’un tempérament onctueux, il n’en est pas moins audacieux. Dernier défi en date : rénover la maison mère de la Croix-Rousse à Lyon en un temps record. « 13 ans depuis le dernier coup de pinceau, il fallait faire quelque chose de plus actuel. L’ancienne décoration ne correspondait plus à ma personnalité. » confie-t-il. Une renaissance comme nouvel ingrédient de la recette qu’il ne cesse d’améliorer depuis qu’il a repris les rênes de cette boutique dans laquelle il a fait ses premiers pas.

L’aventure débute en 1977 quand Henri Bouillet, son père, achète une pâtisserie sise 15 place de la Croix-Rousse. Sébastien souffle tout juste sa première bougie. Lorsqu’il est en âge de mettre la main à la pâte, il ne rechigne pas à la tâche et s’attaque à tous les postes, de la plonge à la vente, en passant par la réalisation des gâteaux. Sans pour autant bouder son plaisir. « Dès que je pouvais, je filais dans l’arrière-boutique, j’étalais de la pâte et je détaillais des petits sablés. J’ai toujours adoré ça ! Tout est parti de là. » à l’époque, la famille vit au rythme du magasin. Le feu de l’action ne s’éteint jamais, même lorsqu’il faut terminer la préparation des croissants avant d’aller se coucher. Pas de quoi effrayer le jeune adolescent qui part se former au sein de maisons prestigieuses (Patrick Chevallot, Philippe Second, Gérard Mulot) avant de revenir au bercail à 22 ans.

En moins de temps qu’il n’en faut à un soufflé pour retomber, Sébastien Bouillet multiplie les projets. En 15 ans, il ouvre trois autres pâtisseries à Lyon et dans ses environs, une école, une chocolaterie et une boutique dédiée au goûter. Une frénésie qui le mènera jusqu’au Japon parce que la gourmandise n’a pas de frontière.

Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
© Matthieu Cellard
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
© Matthieu Cellard
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
© Matthieu Cellard
PASSION JAPON
Alors en poste chez Philippe Second à Aix-en-Provence, Sébastien Bouillet tisse ses premiers liens avec le Japon. Avec passion et fierté, il se charge des créations destinées au marché nippon sans jamais y mettre un pied. « à l’époque, je ne savais pas que j’aurais un jour la chance de travailler là-bas. C’était un rêve que je n’osais même pas imaginer. » En 2005, le destin l’y conduit pour la première fois. C’est le coup de foudre et un choc des cultures. Sébastien Bouillet découvre une tout autre manière de croquer la pâtisserie. « J’étais là pour défendre notre savoir-faire lors de démonstrations pour un groupe laitier. Je n’en menais pas large ! Au vu de leur niveau, je me demandais bien ce que je pouvais leur apporter. » L’année suivante, il retourne au Japon et rencontre son associé actuel avec lequel il monte un premier corner dans le grand magasin ISETAN à Tokyo.

La pâtisserie, forcément un univers féminin et sensuel ?

Sébastien Bouillet : La féminité n’est pas l’essence de la pâtisserie mais elle lui est intimement liée. Les rondeurs, les glaçages, le brillant, les couleurs… On retrouve l’esprit mode, maquillage.

Qu’est-ce qui distingue le style Sébastien Bouillet ?

J’attache une grande importance à l’architecture. Celle du goût surtout, mais aussi des textures et du montage de la pâtisserie pour un visuel qui attire l’œil. à mes débuts, je m’exprimais à travers un univers très moderne, très coloré. Aujourd’hui la gamme se partage entre classiques revisités – comme le saint-honoré – et créations inédites. En fait, je dirais que j’ai un style populaire mais élégant, assez éloigné des pâtisseries haute couture.

Vous n’êtes pas seulement pâtissier, mais aussi chocolatier…

En 2010 nous avons même ouvert une boutique dédiée [Chokola]. Je voulais un lieu dans un style atelier, comme si on pénétrait les coulisses de fabrication. Des tablettes du sol au plafond, un mur où coule du chocolat… C’est un formidable terrain de jeu pour la créativité et mettre en valeur notre savoir-faire.

Le chocolat vous inspire de nombreuses fantaisies comme le rouge à lèvres, le bâton de dynamite, le 33 tours…

Avec le chocolat l’imagination n’a pas de limite. Ca permet de se remettre en question tous les jours. Mais je ne suis pas un chocolatier gadget. Mon identité ne se résume pas à ça.

Au printemps vous avez ouvert [Goûter]. En quoi cette boutique est différente de la pâtisserie ?

Comme j’aime à le dire, nous avons notre gastro, la pâtisserie, et maintenant notre bistrot [Goûter] ! De nombreuses personnes étaient sceptiques et ne cernaient pas bien l’esprit du lieu. Ici on est dans les petits plaisirs simples et accessibles du quotidien. On vient y chercher quelques madeleines à la sortie de l’école. On craque sur une part de cake. On renoue avec l’esprit d’antan et l’enfant qui sommeille au fond de nous.

Sébastien Bouillet
© Matthieu Cellard

Vous proposez également quelques viennoiseries. La boulangerie c’est pour bientôt ?

J’aurais aimé faire du pain mais nous manquons de place pour ça. Un jour peut-être, qui sait !

Si votre père avait été architecte ou menuisier, seriez-vous pâtissier aujourd’hui ?

à vrai dire je ne sais pas. Effectivement, il y aurait de fortes chances pour que je ne sois pas ici à vous parler de ganache et d’entremets ! L’empreinte familiale a fortement influencé ma vie. Pourtant mes parents n’ont jamais forcé quoi que ce soit. J’ai toujours été libre de mes choix.

Quel regard ont-ils sur la maison Bouillet nouvelle génération ?

Quand je suis revenu en 2 000 mon père s’est vite retiré pour me laisser la place. Avec un peu d’inquiétude tout de même. En un été j’ai entièrement repensé les créations. Ca n’a pas été simple !

Les gourmandises de la boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
Les gourmandises de la boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
© Matthieu Cellard
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
Boutique Sébastien Bouillet, la Croix-Rousses (Lyon)
© Matthieu Cellard
Les spécialités de la maison ?
L’Odéon : mousse au chocolat grand cru, crème brûlée à la vanille de Madagascar, biscuit chocolat et marron. Sans oublier le Maca’Lyon, un macaron caramel beurre salé enrobé de chocolat.

Pour vous ? Pour lui ?

Surtout pour lui. Imaginez un peu, en l’espace de quelques mois on chamboule ce que vous avez mis une vie à construire. C’est pour cette raison que j’ai à cœur de parler de la maison Bouillet. C’est une histoire de famille, pas uniquement la mienne. J’ai une profonde admiration pour mes parents. Je sais d’où je viens. Sans eux je n’en serais pas là.

Devenir chef de pâtissier dans un restaurant, est-ce que ça vous a traversé l’esprit ?

J’ai fait plusieurs extras au Bristol lorsque je travaillais sur Paris. Mais pour tout vous dire, si j’avais mis un pied derrière un piano, je serais devenu cuisinier ! ça m’aurait vraiment plu. L’adrénaline, le coup de feu, les retours des clients. C’est ce qui peut me frustrer dans mon métier aujourd’hui. Les gourmands filent déguster chez eux. Il me manque cet échange plus direct.

Les restaurants sont distingués par des étoiles, des toques, etc. ce qui n’est pas le cas de la pâtisserie…

Et c’est une très bonne chose ! Ces classements amènent une notion de compétition pas toujours saine. La pâtisserie doit rester un plaisir, pas une course à qui sera meilleur que l’autre.

Lorsque vous entrez dans une boutique, autre que la vôtre, sur quoi vous jetez-vous ?Des classiques ! Je raffole des classiques !

Une bonne tarte aux pommes par exemple… Mmmmh… rien que d’y penser, j’ai envie d’en croquer un bout ! C’est assez drôle quand on y pense, j’ai un style moderne mais je me régale de choses simples.