Avec ses spaghettoni à la carbonara à tomber, Denny Imbroisi (Restaurant Ida, Paris 15) a réussi à mettre l’Italie à nos pieds. Italien jusqu’au bout des doigts, il a transformé nos simples pâtes en un véritable mets d’exception.

Alors que certains fondent devant une glace à l’italienne ou une tarte au citron, lui ne résiste pas à un bon plat de pâtes. Farcies, laminées, râpées, roulées ou encore tréfilées, difficile de choisir pour celui qui a été biberonné aux cannelloni ricotta e spinaci, aux tortelli di zucca (potiron) ou encore aux tagliatelle alla bolognese. Originaire de Calabre à la pointe de l’Italie, Denny Imbroisi est devenu en quelques mois le roi de la pasta à Paris. Du choix de la farine en passant par la quantité d’eau, d’œufs et de sel, on est bien loin de la gamelle de nouilles partagée entre copains pour se panser l’estomac entre deux séances de bachotage. Pour s’en rendre compte, c’est dans son QG, au restaurant Ida (Paris 15), que nous avons élu domicile le temps d’une interview 100 % italienne. Rencontre avec une bonne pâte.

Denny Imbroisi
Denny Imbroisi
© Arnaud Dauphin Photographie
Spaghettoni Carbonara 
Spaghettoni Carbonara 
© Arnaud Dauphin Photographie

Pour toi, les pâtes c’est plutôt je t’aime à l’italienne… ?

Denny Imbroisi : Depuis que je suis né, ma mère m’a fait manger des pâtes tous les midis. Ce sont mes racines. Lorsque je suis arrivé en France, j’ai mis plusieurs mois avant de pouvoir goûter les escargots et les grenouilles. J’ai eu beaucoup de mal à m’adapter. Sans elles, je ne vois pas la vie pareil.

En Italie, on dit que chaque région possède sa propre recette de pâte, tu es d’accord ?

Chaque région a sa propre recette et son propre nom. En effet, une même pâte peut avoir deux noms différents, un peu comme le loup et le bar en France. Dans ma région, la Calabre, on mange beaucoup de gnocchis, de lasagnes et de cannellonis. à Rome par exemple, ce sont des spaghettis à la carbonara, en Lombardie des tortellinis zucca – ravioles au potimarron -, et à Gênes, les fameuses pâtes au pesto.

Quelle est ta recette à toi ?

Pour la recette classique, il faut compter 1 œuf pour 100 g de farine T00 ou T45 (quantité pour 1-2 personnes). On y ajoute ensuite sel et huile d’olive. Le temps de repos est fondamental. Compter 1h au frais. J’aime aussi intégrer d’autres variétés de farines qui vont changer la texture, la couleur et le goût.

Denny Imbroisi
Denny Imbroisi
© Arnaud Dauphin Photographie
Ravioles
Ravioles
© Arnaud Dauphin Photographie
Ravioles
Ravioles
© Arnaud Dauphin Photographie
Ravioles
Ravioles
© Arnaud Dauphin Photographie

Semoule de blé dur, d’épeautre, de lentilles, quelles sont les différences ?

Le type de farine aura une incidence sur la texture de la pâte. Lors de la cuisson, si la pâte est plus molle, il faudra la retirer plus tôt et inversement si elle est plus sèche. Pour le sarrasin, je conseille 70 g avec 30 g de farine T00. Elle se marie bien avec la truffe de par son côté terreux. Les farines de lentilles et de potimarron seront quant à elle à recommander pour les ravioles. Farcies d’un ragoût de faisan ou de mortadelle, ça fonctionne bien.

La vraie pâte italienne, c’est avec ou sans œufs ?

Je suis partisan des pâtes aux œufs, c’est plus complet, mais il est aussi possible de faire sans. Lorsqu’on réalise des spätzli – pâtes d’Italie alpine – des pennes ou encore des spaghettis, on ne met pas d’œufs. De cette manière, ça dure plus longtemps.

Le roi de la pasta dans la famille Imbroisi, c’est qui ?

La cuisine de la mama reste une référence même si ce n’est pas la plus précise. Les gnocchis di patate étaient incontournables. à l’époque, ma mère les cuisait à la vapeur. Maintenant, je les filme et je les cuis au micro-ondes. L’humidité dégagée me permet de n’ajouter ni farine, ni œufs. Les cannellonis ricotta e spinaci étaient quant à elle réservées au repas dominical. L’équivalent de votre poulet-frite en France.

Depuis que je suis né, ma mère m’a fait manger des pâtes tous les midis. Ce sont mes racines.
Denny Imbroisi

La recette de pâte secrète de ta maman, c’est quoi ?

Une recette de pâte sucrée pour réaliser une crostata aux fruits rouges. Elle confectionne la pasta frolla – sorte de pâte sablée utilisée pour les tartes à base de confiture – qu’elle laisse ensuite reposer au frais avant de la disposer dans un moule, de la recouvrir de marmelade et de lanières de pâte tressée. Lorsque je lui demande la recette, elle me l’écrit mais je n’arrive jamais à déchiffrer la totalité.

Plutôt pâtes sèches ou fraîches pour la sauce ?

Si on a une sauce un peu liquide, de type soupe ou velouté, une pâte sèche sera préférable. En revanche, sur une sauce dense – pesto ou sauce tomate – une pâte fraîche sera plus adaptée. Dans ma recette de spaghettoni alla carbonara, je suis obligé d’utiliser des pâtes sèches car elles imprègnent mieux l’œuf.

Quelle est ta recette de pâtes anti-gaspi ?

Chez moi, les gratins on les faisait avec tout et surtout avec ce qui restait de la veille. C’est un plat que l’on mange en général le lundi, auquel on ajoute un peu de mozzarella et que l’on fait gratiner au four.

Paccheri di Gragnano, coquillages et citronnelle
© Arnaud Dauphin Photographie

Demain, je me lance dans la fabrication de mes premières pâtes fraîches maison. Quels sont les pièges à éviter ?

Lorsque tu mélanges ta pâte, utilise une fourchette et non tes mains jusqu’à l’obtention d’une consistance homogène. Une fois reposée, étires-la à l’aide d’un rouleau à pâtisserie ou d’une bouteille de vin. Même si elle reste un peu épaisse ce n’est pas grave, tu la laisseras cuire plus longtemps.

Le laminoir, plutôt bon plan ou casse-tête ?

Je recommande un laminoir manuel, c’est plus simple et ça dure une vie. Mais ce n’est pas indispensable. L’important pour une bonne utilisation est d’avoir le bon équilibre d’humidité. Si la pâte est trop sèche, elle cassera. Trop humide, elle collera.

3 à 5 kg/jour
Quantité de pâtes cuisinées par jour par Denny Imbroisi au restaurant Ida
Ravioles à la ricotta, asperges, sauce pesto.
Ravioles à la ricotta, asperges, sauce pesto.
© Arnaud Dauphin Photographie
Denny Imbroisi
Denny Imbroisi
© Arnaud Dauphin Photographie

Les français ont la fâcheuse habitude de couper leur spaghettis. Bonne idée ou sacrilège ?

C’est un crime ! (rires) Si tu fais ça en Italie, on te regarde avec un mauvais œil. à l’aide d’une fourchette et d’une cuillère, on forme un nid et on enroule les spaghettis autour d’une fourchette pour les manger.

Le plat de spaghettis dans La belle et le clochard, c’est une bonne technique de drague ?

Oui ça peut jouer ! (rires) Au restaurant, les spaghettis sont servies dans une cocotte que nous plaçons au centre de la table. Pour ma part, j’aime les pâtes longues enrobées d’une bisque de crustacés et garnies de langoustines saisies à la plancha, de jus et de zeste de citron vert.

Les pâtes que tu peux manger sans t’arrêter ?

Les plins, ce sont comme des bonbons que l’on mange avec un bouillon. Dans le Piémont, on les farcit avec des légumes ou de la charcuterie.

Et celles qu’on ne te fera jamais avaler ?

Les pâtes « sauce carbonara » version étudiant, avec des lardons et de la crème !

Plutôt gruyère, comté ou parmesan ?

Grana padano ! C’est un fromage à pâte dure qui appartient à la famille des parmesans. Plus fruité et parfumé que le parmigiano reggiano, il s’utilise plus facilement en cuisine.

80
C’est le nombre de variétés de pâtes utilisées par Denny Imbroisi depuis l’ouverture de son restaurant.