Jean-Georges Klein
LE RESTAURANT LE PLUS CAPÉ DE LORRAINE N’EST NI SUR UN GRAND AXE DE CIRCULATION, NI DANS UNE VILLE IMPORTANTE. L’ARNSBOURG EST NICHÉ AU COEUR DES VOSGES DU NORD, PRESQUE PERDU AUX CONFINS DE LA MOSELLE-EST. L’HOMME QUI A FAIT DE L’ANCIENNE CANTINE POUR BÛCHERONS UN 3* MICHELIN, C’EST LE CHEF JEAN-GEORGES KLEIN, DÉPOSITAIRE D’UNE TRADITION FAMILIALE ET HÉROS D’UN PARCOURS PERSONNEL AUSSI ATYPIQUE QUE TOUCHANT.

Jean-Georges Klein

“Moi, je voulais devenir un Bocuse !”, Jean-Georges Klein sourit en évoquant son rêve de jeunesse, celui de tous les cuisiniers de sa génération. Mais lui a dû mettre ce rêve en sommeil durant de longues années. Quand il quitte l’école hôtelière de Strasbourg, en 1970, Jean-Georges n’a pas le temps de faire ses classes ; il doit revenir à Baerenthal, au domaine familial de l’Arnsbourg. Rose, sa grand-mère, la femme qui a transformé le relais de bûcherons en un vrai restaurant, est malade. Elle confie les fourneaux à Lily, sa fille. Et tout naturellement celle-ci charge son fils de la salle.

Pendant 20 années, Jean-Georges se consacre à ce rôle qu’il n’a pas choisi : “Il fallait travailler, c’était le maître mot chez nous”. Pour se faire plaisir, il lui arrive certaines nuits, après son service, de confectionner des croquembouches pour les banquets. De cette période, il ne garde aucune amertume : “Finalement, j’ai été très peu formé en cuisine, ça m’a évité ensuite d’être entravé par les habitudes des chefs à l’ancienne”. Il en conserve même une expérience précieuse : “Le contact du client, c’est essentiel. Sans ça, on ne peut pas comprendre comment travailler en cuisine.”

Jean-Georges Klein

Quand l’Arnsbourg reçoit son premier macaron, J-G.K. a 38 ans : “J’avais fait une croix sur la cuisine”. Mais la vie vient encore tout chambouler. Sa mère doit arrêter. “J’ai laissé à ma sœur Cathy la salle et la décoration de l’établissement. Et je me suis chargé de la cuisine”. L’œil malicieux en dit long sur le «sacrifice» que représente ce retour à sa passion.

Mais Jean-Georges n’est pas inconscient. Il engage Benoît Roethinger, venu d’un 2* alsacien. “Pendant 3 ans ça a été, pour moi, un vrai compagnonnage. Il m’a donné les structures d’organisation d’un étoilé, ce que je n’avais pas appris à l’école”. L’Arnsbourg continue à servir «une cuisine bourgeoise de dames» ; Jean-Georges ne s’est pas encore émancipé.

Il le fera grâce à deux rencontres. D’abord avec Pierre Gagnaire, 3* à St-Etienne. “Je suis sorti de table sans avoir rien compris. C’était un choc. J’y suis retourné 3 jours après. J’ai décidé que je voulais l’imiter. Pas sa cuisine, sa liberté. Je me suis dit «il fait ce qu’il veut sans se soucier des conventions, je peux le faire aussi, à ma manière”. Nous sommes en 1993. 3 ans plus tard, J-G.K. passe une semaine chez Ferran Adrià, le pape de la cuisine moléculaire en Catalogne espagnole. “Avec lui j’ai appris des techniques, de quoi me donner la liberté de concrétiser mes idées”. Les résultats ne se font pas attendre. En 1998 c’est la 2e étoile. En 2002 la 3e.

Jean-Georges Klein

Entre-temps, il aura séduit Relais et Châteaux en construisant un hôtel, seul 5 étoiles de Lorraine, dirigé par son épouse Nicole : «après un tel voyage culinaire, il fallait offrir à nos clients le calme si privilégié de notre havre de paix».

Alors, à quoi ressemble la cuisine «évolutive» de Klein ? Surprenante. Déroutante. Combinant des saveurs venues d’horizons différents. Plus que des plats, des juxtapositions de mets sophistiqués dont la dégustation nécessite de respecte un ordre précis pour raconter une histoire : “Je cherche à faire des plats justes et goûteux avec des associations originales. Une cuisine d’émotion, canaille, qui titille le palais et bouscule les habitudes mais respecte les produits”. J-G.K. joue sur le mystère en cachant ses créations sous des «espumas» pour une dégustation à l’aveugle. Ici pas de tape-à-l’oeil : “je n’aime pas que le visuel l’emporte sur le goût, qu’on mette des choses inutiles sur une assiette, juste pour la rendre belle. L’esthétique, moi je m’en fous”. Provocateur et étonnant quand on a apprécié le service élégant et d’une absolue précision du personnel de salle.

Jean-Georges Klein

MAIS POUR JEAN-GEORGES, L’ESSENTIEL EST AILLEURS : « CE QUI COMPTE, C’EST QUE LA TABLE RESTE UN GRAND MOMENT DE PARTAGE ET DE PLAISIR». ROSE N’AURAIT SANS DOUTE PAS DIT AUTRE CHOSE. »

 

CHEF SI VOUS ÉTIEZ…

Un ingrédient : LE POISSON Il offre plus de liberté, plus de souplesse que la viande pour créer.

UNE SAVEUR : le wasabi kombu du Japon, entre ail noir et soja. Pour le moment…

Un ustensile : la pincette à angle, essentielle pour des assemblages parfaits.

Une saison : LE PRINTEMPS Quand j’ouvre mes volets le matin je suis ravi par toutes les nuances de vert de la forêt entourant l’Arnsbourg.

UN PLAT : la tête de veau sauce gribiche, mais il est de plus en plus difficile d’en trouver une bonne.

Un plaisir : LE VOYAGE à l’étranger et ses découvertes, pas uniquement culinaires.

 

NICOLAS MULTON, CHEF-PÂTISSIER : L’ACCORD PARFAIT.
Il y a 5 ans, Nicolas Multon a quitté l’Amphitryon de Lorient pour rejoindre Jean-Georges Klein dont la cuisine correspond à son approche personnelle : “une cuisine évolutive en constante recherche et qui reste proche des produits.” Il aime travailler les fruits, en particulier les agrumes. Mais aujourd’hui son choix s’est porté sur la poire façon Belle-Hélène avec le chocolat Alpaco : “j’aime retravailler les classiques de façon à ce que le client soit surpris mais sans être perdu. Les saveurs, les produits sont là, mais l’accord et les textures sont inhabituels”.

 

L’ARNSBOURG – HÔTEL K
18 Untermuhlthal
57230 BAERENTHAL
03 87 06 50 85
www.arnsbourg.com