Le chef parisien transpose son plaisir de la chasse dans les assiettes avec un somptueux bestiaire gastronomique. Dans son viseur, la volonté d’élever le gibier au rang de patrimoine culinaire.

Il fait un froid de canard et pourtant Bruno Doucet ne raterait le rendez-vous pour rien au monde. Le chef parisien, propriétaire des restaurants La Régalade Saint-Honoré et La Régalade Conservatoire, troque en cette saison sa toque de cuisinier pour sa tenue de carnier. Bruno Doucet, c’est le parcours d’un chef sachant chasser, d’un homme qui réussit le bel exploit de combiner ses deux passions ; mieux, de les marier, sublimant l’une pour mieux servir l’autre.

La chasse au cul levé
« Je devais avoir 8 ans, raconte le chef, lorsque pour la première fois j’ai accompagné mon père. Tous les week-ends, il partait à la chasse sur la propriété de ses parents, près de Tours. C’était une chasse devant soi, au cul levé. Les images qui me restent en mémoire sont très fortes : je me revois marcher derrière mon père, nous traversons des champs avec Choky. Ce chien n’écoutait rien ! » De ses souvenirs d’enfant chasseur, Bruno Doucet n’a rien perdu. Il a toujours aimé « l’adrénaline, le plaisir de la rencontre avec l’animal, de la traque, en pleine nature ». Il a aussi toujours aimé les rituels qui accompagnent ces dimanches-là : « la chasse, dit-il, c’est aussi une façon de s’habiller, un cérémonial, retrouver les copains » et évidemment, le repas familial. « Le dimanche, on était 10 ou 15 à table. A partir de ce moment-là, forcément on fait une cuisine de ferme. Ma grand-mère cuisinait du lapin, un poulet, un coq, du lièvre…

Bruno Doucet
© Gibier - Éditions de La Martinière / Photo Louis Laurent Grandadam
Cerf
Cerf
© Gibier - Éditions de La Martinière / Photo Louis Laurent Grandadam
Civet de sanglier de ma grand-mère Andrée
Civet de sanglier de ma grand-mère Andrée
© Gibier - Éditions de La Martinière / Photo Louis Laurent Grandadam
Selle de daguet rôti, marinade instantanée, poêlée de pleurotes à l’ail fumé
Selle de daguet rôti, marinade instantanée, poêlée de pleurotes à l’ail fumé
© Gibier - Éditions de La Martinière / Photo Louis Laurent Grandadam

Guetter le retour des colverts
Aujourd’hui encore, le chasseur guette avec impatience les premiers signes de l’arrière-saison et le retour des colverts, pour battre la campagne mais aussi travailler des produits qu’il affectionne. Car si la chasse l’a toqué jeune, Bruno Doucet a su très tôt également, « vers 13-14 ans » qu’il voulait faire de la cuisine. Chaque année, perdreau gris, civet de chevreuil, et autres pâtés chauds de gibier à la farce de faisan ou terrines de lièvre aux échalotes viennent fleurir le menu de ses deux établissements parisiens. L’occasion de montrer à travers ses recettes toute la beauté du monde animal. « J’aime recevoir les produits bruts, apprécie le chef. Au restaurant, les canards on les reçoit tout en plume, il y a un vrai travail de préparation, de technicité et aussi, de transmission avec l’équipe ».

A toutes les sauces
De là à dire que Bruno Doucet pourrait servir du gibier à toutes les sauces, il n’y a qu’un pas. « Pas tout à fait », rectifie le cuisinier, passé dans de grandes brigades, aux côtés notamment de Charles Barrier à Tours, de Jean-Pierre Vigato. « Ce que je recherche en tant que cuisinier, c’est la saisonnalité. J’adore le gibier quand il arrive dans les assiettes, parce qu’on va travailler des goûts plus forts que d’autres. On entre dans une période où il fait plus froid, on va retrouver des légumes différents. Mais vous ne verrez plus de gibier à la carte après le 15 janvier, on s’arrête à l’arrivée des truffes ». Cet hiver, pour les fêtes, le canard sera lui, bel et bien au menu : farci au foie gras et aux trompettes de la mort. Avec dans la ligne de mire du chef Doucet, une devise qu’il a fait sienne : « le respect du produit, l’assaisonnement juste, la cuisson parfaite ». Repas de chasse ou pas.

Ce que je recherche en tant que cuisinier, c’est la saisonnalité. J’adore le gibier quand il arrive dans les assiettes, parce qu’on va travailler des goûts plus forts que d’autres
Bruno Doucet
Perdrix rouge
Perdrix rouge
© Gibier - Éditions de La Martinière / Photo Louis Laurent Grandadam
Perdreau
Perdreau
© Gibier - Éditions de La Martinière / Photo Louis Laurent Grandadam